Virtuality déploie la VR

Forte affluence pour la première édition du salon professionnel et grand public Virtuality qui exposait, à des fins de démocratisation, la réalité virtuelle tous secteurs d’activités confondus sur trois jours et qui se déroulait les 24-26 février au Centquatre-Paris.
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Quelque 95 % des exposants étaient des entreprises françaises, start-up spécialisées, agences ou studios convertis à la VR : « Aujourd’hui, ces entreprises sont en mesure de présenter des cas d’usage très concrets, aussi bien dans le secteur de l’industrie que ceux de la santé, de la culture, du divertissement, du e-learning, de la communication des marques (avec des retours d’expérience)… Le succès public est comme un gage du succès de cette technologie qui n’est plus réservée aux professionnels, et qui est loin d’être un gadget. Nous espérons, pour la seconde édition en 2018, nous ouvrir à l’international et nous adresser également à la communauté de la réalité augmentée et réalité mixte. », souligne Olivier Godest, organisateur de l’évènement.

 

 

Simulateurs de vol et autres immersions fortes

Si la plupart des casques VR du marché sont à la discrétion du public (Oculus Rift, Samsung Gear VR, HTC Vive, Playstation VR, Cardboard), certaines entreprises sont venues avec des dispositifs de grande taille, parfois inédits, pour des expériences en immersion destinées à des usages divers, de l’entertainment jusqu’à l’installation événementielle.

Cortex Productions (Angoulême) a fait ainsi le déplacement avec la première version mobile de sa salle immersive à 360 °. Héritière des Panoramas du XIXe siècle, Tumulte, prévue pour la projection interactive en 3D, est l’une des premières salles à proposer une expérience collective. Équipés de lunettes 3D actives avec capteurs zénithaux, les visiteurs peuvent en effet agir sur le film projeté et modifier son déroulement.

« Tumulte se décline à des tailles différentes et s’adapte au lieu. Nous étudions actuellement une version de 24 m de diamètre (25 m de hauteur) pour 600 personnes », se félicite Andreas Koch. Si le prototype à Angoulême (7,60 m de diamètre) fonctionne avec huit vidéoprojecteurs Optoma DLP (et 24 HP), la salle construite pour Virtuality ne comporte que quatre projecteurs laser Digital Projection (et un système 8.1).

Visant le marché des parcs à thème (Cité des sciences, aquariums…) mais aussi des simulateurs industriels et l’enseignement, la société de production angoumoisine (films d’entreprise en 3D relief et réalité virtuelle) a produit sa première narration interactive VR multi-utilisateurs, Le Secret du ruban-monde par Alex Clérisse. En projet, Les Dinosaures à plumes envahissent le Tumulte. Lors du salon, la société a été approchée par un multiplexe cinématographique européen à la recherche de salle VR, grand format et multi-utilisateurs.

Parmi les autres « attractions » VR (pour certaines bientôt dans les salles d’Arcade) remarquées, le dispositif Caterham Drive XP mis au point par Nightshift, lequel simule une course au côté de Vincent Beltoise et à bord d’une Formule 1 aux sièges articulés. Découverte au moyen d’un Oculus Rift, la compétition se donne à vivre dans ses moindres détails.

VR Space Walk invite, pour sa part, à une sortie dans l’espace de 15 minutes. Développé pour la BBC par le studio londonien Rewind à partir des programmes de formation des astronautes de la Nasa et de l’Agence spatiale européenne (Esa), le dispositif, présenté sur le stand de VRroom, un media d’information, de production et de distribution de contenus en réalité virtuelle, transporte l’utilisateur dans la station spatiale internationale. À l’aide d’un casque HTC Vive et de manettes de contrôle, celui-ci doit réparer un panneau solaire.

Autre « véhicule » en VR et à sensations, l’exosquelette de la start-up Hypersuit permet de s’envoler, mais aussi de faire de la plongée sous-marine ou conduire la moto de Batman. Les bras attachés à deux supports articulés à quatre axes de rotation chacun (avec un système de motion capture intégré), l’utilisateur est à même de s’immerger dans le jeu qui lui est proposé. Cet exosquelette avec casque HTC Vive est surtout conçu pour le marché de l’entertainment (et les salles de fitness), éventuellement pour la formation.

Dédié uniquement au vol d’oiseau, Birdly conçu par la société Somniacs, qui équipe actuellement la salle de cinéma VR du MK2, propose également une full-body expérience en 3D temps réel. Il suffit de battre des ailes pour se croire au-dessus des gratte-ciel de New York. Un ventilateur accentue cette sensation vertigineuse de se trouver dans les airs (avec casque Oculus).

Dans le même registre (mais en non contrôlable), l’expérience de « wingsuit » introduite par le simulateur passif à deux ailes de Digital Immersion. Spécialisée dans la vidéo 360 °, l’entreprise est partie d’une captation vidéo à 360 ° d’un vrai saut dans le vide : les mouvements de la caméra étant reproduits par le simulateur monté sur vérins. Destiné uniquement à l’événementiel (via la société Digital D), le simulateur, qui recourt à un casque Samsung Gear, peut se prêter à d’autres expériences comme le moto-cross, le ski nautique ou le snow-board.

Digital Immersion donnait également à tester, avec casque Oculus et son binaural, la version de son court-métrage à 360 ° réalisé par Alexandre Perez, Sergent James (prévu sur MyTF1 VR), issu également d’une captation réelle.

 

Les nouvelles agences en mode 360

Faute de pouvoir cloisonner cette offre qui touche à de nombreux métiers (communication, formation, outil d’aide à la vente, maintenance, production audiovisuelle…), le salon a fait cohabiter, à l’anglo-saxonne, toutes les disciplines afin qu’« elles se croisent et éventuellement collaborent », espère l’organisateur.

Parmi les spécialistes de ces nouveaux formats de storytelling, NeoVR, qui réalise des vidéos immersives à 360 ° pour les entreprises, met ainsi l’accent sur le support de formation comportementale. À destination des étudiants en soin dentaire, Dans la peau d’un patient sensibilise ainsi, en trois minutes, à des pathologies comme l’angoisse de l’attente. « La VR dédiée à la formation se montre très efficace, car elle permet de mieux mémoriser en se mettant à la place d’une personne », affirme le producteur Gilles Raillard.

Venant de l’animation 3D pour la publicité web et TV, Backlight a été, lui aussi, vite amené à se diversifier et à proposer aux marques des visites immersives en VR. Celles-ci font état d’un réalisme poussé et d’une interactivité efficace. Le film pour le parfum Diesel, qui invite à marcher au-dessus du vide sur le rebord d’une corniche d’un gratte-ciel pour saisir le flacon de parfum, procure ainsi des sensations assez mémorables. Pour les fondateurs de Backlight, les perspectives offertes par la réalité virtuelle ont été rapidement perçues par les agences et les marques à condition de « leur montrer comment celle-ci s’applique à leur problématique de communication. »

Se plaçant également sur ce marché émergent, la société de postproduction Small Studio, label ouvert il y a deux ans par Mac Guff Ligne, entend fusionner, de son côté, les savoir-faire du studio dans les effets spéciaux et les films 360 ° (films publicitaires Red Bull…). À leur actif, plusieurs courts métrages de fiction en VR dont Cockatoo Spritz réalisé par Stéphane Barbato pour le casque haut de gamme StarVR de la société suédoise Starbreeze ainsi que des films publicitaires en VR (pour Peugeot, Renault…). La société de postproduction collabore également à la série en 360 ° d’Arte, Les petits secrets des grands tableaux, produite par Les Poissons Volants (Les Ménines de Diégo Velasquez et Les noces de Cana de Paul Véronèse).

« Nous accompagnons le film depuis l’écriture du scénario, la conception du rig de prises de vue jusqu’à la diffusion », précise Vincent Guttmann. Pour le studio, l’interactivité correspond à une demande en hausse : « Une version 360 ° d’un film publicitaire occasionne cinq à dix fois plus de clics sur Facebook ou YouTube qu’un film digital. » En ligne de mire, la réalité augmentée.

Même si la distribution n’est pas encore stabilisée (stores des constructeurs, plates-formes VOD, salles VR, mise en ligne sur YouTube 360 ou Facebook 360…), plusieurs sociétés de production audiovisuelle se sont mises à auto-produire des fictions souvent engagées. La plus émouvante, Quand je suis parti de SmartVR Studio (films 360 ° VR pour l’entreprise, l’événementiel et le jeu) propose d’incarner un jeune réfugié syrien depuis son départ de Damas, sa traversée en bateau jusqu’à l’île de Lesbos. Entièrement en images de synthèse, l’expérience interactive inspirée d’une histoire réelle se découvre avec un casque HTC Vive. « L’utilisation de la 3D temps réel impacte parfois plus qu’une vidéo 360 ° », remarque la réalisatrice Sarah Mariotte.

Pour Gengiskhan Production, la VR permet également de raconter différemment les histoires et de redéfinir les règles de la mise en scène : « La VR, qui s’apparente au théâtre, peut être un média de l’intime très puissant. Notre équipe est pluridisciplinaire et inclut des professionnels du spectacle vivant », note la productrice Line Brucena.  Pour preuve, Les falaises de V., un film d’anticipation de dix minutes, dépeint un monde qui contraint les prisonniers au don d’organe pour prix de leur liberté. La production se découvre avec un casque et allongé sur un lit afin de mieux brouiller les lignes entre le réel et le virtuel.

Okio Studio, pour sa part, annonce Altération, sa seconde fiction à 360 ° en relief après la production remarquée I, Philipp. Réalisé par Jérome Blanquet, le court-métrage d’anticipation propose de se mettre à la place d’un cobaye, pour une étude sur les rêves, dont l’inconscient est progressivement numérisé par une entité en intelligence artificielle. Cette production, à l’interaction « passive », repose uniquement sur des plans séquence. Si le réalisateur a bénéficié de l’expérience de Pierre Zandrowicz (I, Philip), il a procédé à de nombreux tests de mouvements pour combiner les contraintes de la VR avec un tournage en relief et des décors extérieurs : « Le tournage s’apparente plus à du théâtre. Il faut remettre en question le cadrage, le hors-champ et le montage impacté par la logique des plans séquences. » La fiction très attendue fera l’objet d’une diffusion sur Arte en mai 2017.

 

* Article paru pour la première fois dans Sonovision #7, p. 20-21. Abonnez-vous au magazine Sonovision (1 an • 4 numéros + 1 hors-série) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.


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