Virtuality mise sur le multisectoriel

La deuxième édition du salon Virtuality - qui s'est déroulée au Centquatre-Paris en février dernier -  a passé en revue un grand nombre d’expériences utilisateurs qui expérimentant le potentiel des technologies immersives....
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Si Virtuality s’est recentré cette année autour des professionnels (producteurs, diffuseurs/distributeurs, exploitants 
de salles VR, éditeurs de solutions logicielles…) en leur réservant deux jours sur trois, le salon des contenus et techniques immersifs, fidèle à son ADN, continue à faire se côtoyer les publics et les domaines d’application : divertissement, événementiel, communication, formation, santé, immobilier, industrie, ONG… C’est cette formule hybride, qui a rassemblé au Centquatre-Paris plus de 120 exposants (12 000 visiteurs), qui sera exportée à Buenos Aires du 7 au 9 juin 2018 : « Virtuality exporte son concept à l’international, se félicite son fondateur Olivier Godest. L’Argentine constitue un territoire très prometteur pour les entreprises du secteur de la VR/AR/MR. Notre souhait est d’accompagner les sociétés françaises et leur faciliter l’accès à ce marché estimé aux alentours de 15 milliards d’euros en Europe d’ici 2020. » Cette année encore, les contenus en VR étaient nombreux et la MR, ou réalité mixte, portée entre autres par la solution HoloLens, toujours cantonnée à l’espace Microsoft. Mais là encore, les cas d’usage, dont certains très prometteurs, concernent de plus en plus de secteurs, de l’industrie à la santé en passant par la formation. Sans oublier le grand public : « La technologie HoloLens va évoluer et constituer une plate-forme commune pour des applications à la fois professionnelles et grand public », annonce Florent Pelissier, directeur marketing chez Microsoft.

 

Une offre pour chaque marché

La VR échappant encore aux cases, les producteurs de contenus (de nombreuses et nouvelles start-up sont présentes sur le salon) en profitent pour multiplier les expériences. Chez Novelab/Audiogaming, la diversité des genres est de mise, et l’approche de l’agence en formats immersifs est foncièrement digitale : « Même si nous réalisons de nombreux projets VR, nous choisissons toujours l’interface la plus appropriée pour raconter des histoires et faire naître des émotions : en réalité augmentée ou réalité mixte, mais aussi en projection mapping, en recourant à des capteurs comme leap motion, etc. », remarque Amaury La Burthe, co-fondateur et directeur de création. Les coproducteurs de Notes on Blindness (plusieurs milliers de téléchargements sur les stores Oculus et Steam) annoncent une nouvelle mouture sur Oculus Rift de cette fiction VR auto-biographique très remarquée. Ils signent également, toujours pour Arte, après Type Rider (Agat Films), le jeu mobile sur le Street Art, Vandales. Novelab, qui réfléchit avec Bachibouzouk et Black Euphoria sur la meilleure manière d’introduire de l’interactivité dans des dispositifs collectifs comme le Cube, se positionne également sur le secteur de l’art. À la demande de la Galerie Serpentine à Londres et du Google Cultural Institute, ils ont signé l’an dernier une exploration en VR des peintures de l’architecte Zaha Hadid. Leur projet phare pour 2018 reste toutefois Sphères, une ambitieuse explication du système solaire sur Oculus Rift (du big bang jusqu’à nos jours) signée par Eliza McNitt, laquelle fait l’objet d’une coproduction internationale inédite entre Atlas V, Protozoa Pictures et Kaleidoscope VR (USA).

L’éclectisme dans les formes et les genres (fiction, documentaire et jeu vidéo) se retrouve également parmi les projets traités par Small Studio, dont la croissance est significative. Cette division de MacGuff Line issue des VFX intervient pour Arte sur la série 360 ° stéréo Les Petits Secrets des grands tableaux (Velasquez, Manet, le Douanier Rousseau…) mais aussi sur des films corporate comme le 360 de la BNP à base de full 3D, de motion design et de tournage en multipasse. Le studio commence également à postproduire en VR des expériences à 360 ° (en précalculé et VFX en temps réel) pour des parcs d’attraction comme Sebastien Loeb Racing XPerience pour le Futuroscope. « La réalité virtuelle s’impose plus facilement que la réalité augmentée, reconnaît Vincent Guttman. Celle-ci devrait pourtant devenir à terme un outil de communication important pour les agences. Nous avons plusieurs projets en vue, intégrant de la réalité augmentée. La fiction, par contre, continuera à passer par la VR. » Plusieurs projets ambitieux en VR sont dans les cartons du studio, comme les prochains courts-métrages de Jan Kounen : Seven Lives (production Red Corner) et l’expérience chamanique à 360 ° Cosmic Journey (avec AtlasV) qui différera selon le comportement de l’utilisateur. « Nous touchons en fait à tous les genres et chaque projet est différent », se réjouit la productrice d’effets spéciaux Fanfan Cohen.

Vitrine de cette diversité, Arte France ajuste au plus près sa programmation VR. Pour le public de Virtuality, le diffuseur producteur
a sélectionné des productions inédites ou en cours de fabrication comme Battle Scar et Le Cri d’Edward Munch (Arte Trips). Réalisée par Martin Allais et Nico Casavecchia et produite par Atlas V (Arnaud Colinart, Antoine Cayrol et Pierre Zandrowicz), la fiction 3D Battle Scar, dont les chapitres 2 et 3 sortiront début 2019, se distingue par une narration singulière qui met à profit la technique des six degrés de liberté. À l’opposé, le documentaire VR 700 requins, produit par le Cinquième Rêve et Neotopy, se parcourt de manière contemplative. De même, Le Cri, d’après le tableau d’Edvard Munch, réalisé par Sandra Paugam et Charles Ayats et produit par Cinétévé, se livre sans interaction, mais favorise une immersion sensorielle et sonore dans la peinture. Arte a également introduit la nouvelle version de Notes on Blindness qui enrichit son univers graphique et ajoute de nouvelles fonctionnalités. Toutes ces productions ont pu être expérimentées sur la station autonome de réalité virtuelle pour deux personnes, conçue par Diversion Cinéma, un exploitant et distributeur de films VR.

 

La VR confirme son déploiement

Plusieurs fournisseurs de solutions clé en main et de contenus VR pour l’événementiel ou les salles d’arcade ont fait le déplacement, souvent accompagnés de leur dispositif. De la luge connectée à l’hélicoptère pour Modimage à la salle de gaming en réseau, les artefacts 
de la réalité virtuelle sont multiples. C’est Smart VR néanmoins qui a séduit à la fois
 les professionnels et le grand public avec sa compétition de e-Sport VR dont la finale a été retransmise le dernier jour sur grand écran. Pour Jean Mariotte, co-fondateur de Small VR, l’e-Sport constitue le futur du gaming. Sur le salon, quatre joueurs (pro-gamers et public) équipés de casques HTC Vive et fusils d’assaut connectés, suivis par des caméras de motion capture Opti’Track, s’affrontaient en réseau sur After-H, un nouveau jeu de tir en VR ou FPS (First Person Shooter) tandis que des commentateurs relayaient en direct l’avancée des compétiteurs sur Mars. Le studio spécialisé
 en VR 3D temps réel dispose aujourd’hui d’un catalogue de jeux VR pour salle d’arcade, dont des créations originales comme Excalibur, Indy Run et Top Floor. À quelques encâblures de là, la société russe The Psycho a également suscité l’intérêt en présentant son savoir-faire en arcade VR avec son titre phare The Psycho Quest, qui recourt à un système de tracking mis au point en interne. Au Village Gaming,
 se sont retrouvés MindOut, qui a ouvert à Paris la première salle d’arcade entièrement dédiée à la VR (plus de 20 expériences solo et multijoueurs) ainsi que Incarna dont le jeu collaboratif, à la croisée de l’escape game, du jeu de rôle et des séries TV, a été une nouvelle fois présenté en test pour le public.

Parmi les premiers à ouvrir une salle permanente dédiée à la réalité virtuelle (en décembre 2016), MK2 VR poursuit, pour sa part, son déploiement en se dotant de dispositifs éprouvés et en mettant sur le marché l’une des premières plates-formes professionnelles de réalité virtuelle. « Avec notre salle, nous avons largement atteint nos objectifs de fréquentation en recevant 100 000 personnes ayant porté le casque et en organisant 200 événements privés, se félicite Elisha Karmitz. Notre développement passe aujourd’hui par la création du Pod MK2 VR qui permet aux agences événementielles et aux entreprises d’accéder à une solution clé en main de création d’espaces immersifs. » Autonome, modulable et compatible avec les casques HTC Vive, Oculus, PlayStationVR et Windows10, le Pod peut se configurer jusqu’à six postes et composer ainsi autant d’expériences différentes. Le savoir-faire de MK2 VR comme exploitant et distributeur de contenus est mis à profit avec la proposition, pour son Pod, d’une sélection de programmes VR français et étrangers (jeu vidéo, fiction, animation, simulateur, 360-VR). La plate-forme, dont
 une vingtaine d’unités ont déjà été vendues, vient ainsi compléter son offre en produits VR (vente ou location événementielle). À savoir un simulateur de vol perfectionné (le Birdly), le roller coaster immersif VR-Ride, le rameur Holofit et le Positron. Dernier arrivé, ce dispositif en forme de fauteuil enveloppant, motorisé sur un axe, est destiné aux productions immersives et contemplatives à 360 °. En démonstration, Overview de Paul Mezier, une sortie planante dans l’espace.

Acteur inattendu, le Museum national d’histoire naturelle à Paris vient à son tour enrichir l’offre VR en ouvrant fin 2017 un espace permanent entièrement dédié. « La réalité virtuelle permet de faire comprendre, mieux que des dispositifs muséographiques traditionnels, des notions scientifiques complexes comme la phylogénétique par exemple », remarque Marie Wacrenier, directrice du projet et responsable du service Régie muséographique. Situé au troisième étage de la Grande Galerie de l’Évolution, le « cabinet » de réalité virtuelle dispose de cinq stations équipées de casques HTC Vive. Parce qu’il s’adresse à un public élargi et ne se positionne pas comme une salle de gaming, un soin tout particulier a été accordé à sa scénographie (design par Maskarade). Pas de câbles ni d’écrans apparents, mais des matières naturelles et confortables pour les sièges. Le programme présenté, Voyage au cœur de l’évolution, est en adéquation avec le lieu et traite de l’évolution des espèces vivantes. Cette découverte immersive à 360 ° de plus de 450 espèces emblématiques, qui a pris 18 mois de développement, a été élaborée par Manzalab et en partenariat avec la fondation Orange (partenaire historique du Museum). Celui-ci a fourni les algorithmes de l’application 3D et orchestré les retours d’expériences des visiteurs. À terme, le Museum entend proposer un catalogue d’expériences immersives en lien avec sa programmation (paléontologie, biodiversité, mondes marins), et éventuellement issues d’autres institutions.

 

MR ou le village Microsoft

Moins grand public, la MR (Mixed Reality) ou réalité mixte se découvre dans l’espace Windows Mixed Reality. Partenaires Microsoft pour la plupart, les sociétés présentes (Immersiv, Actimage, Infinite Square, Minsight
et Synergiz) ont mis en avant leurs premiers cas d’usage à base du casque HoloLens (sorti fin 2016) attestant ainsi de la pénétration de la réalité mixte dans l’industrie et la santé. Actimage, qui a intégré le MRPP de Microsoft (Mixed Reality Partenar Program) et ouvert à Paris il y a deux ans un Pôle Innovation sur la technologie HoloLens, développe des applications majoritairement adressées à l’industrie pour ses besoins en formation et maintenance. L’entreprise montre néanmoins un autre usage du casque dans la prise en charge d’un handicap comme l’autisme. La relative légèreté du casque, son autonomie, l’absence de fil et le fait que l’utilisateur ne soit pas coupé de son environnement immédiat rendent la réalité mixte particulièrement adaptée. À l’étude depuis six mois chez Actimage et ses partenaires (hôpital Robert Debré, Institut médico-éducatif de l’hôpital Saint-Jacques…), l’application Hol’Autisme vise à aider les jeunes autistes dans leur vie quotidienne et à développer leurs compétences sociales 
à travers plusieurs scénarii (déplacements dans l’espace public…). Actimage propose également, en accès libre sur le Microsoft Store, Holophobia, qui traite de la phobie des araignées.

Se positionne également sur ce marché en pleine expansion de la santé, Infinite Square, l’une des toutes premières entreprises hexagonales à développer des applications B to B pour le casque Microsoft. Premiers clients « santé », les CHU, les centres de formation médicaux et les fabricants de matériel médical. Pour le leader mondial des équipements médicaux, Infinite Square vient ainsi de concevoir une application HoloLens permettant aux visiteurs d’un salon de cardiologie de manipuler les nouveaux appareils (stimulateur cardiaque, etc.) et de les voir en situation dans le corps humain. La société est également l’éditeur de la plate-forme Inwink de gestion d’événement B to B (le salon a été intégralement géré avec cette solution).
 Au cœur du Village, l’espace Microsoft est revenu à son tour sur plusieurs cas d’usage, dont une pose de prothèse assistée par HoloLens, une opération chirurgicale en avant-première ayant eu lieu en décembre 2017 à l’hôpital Avicenne, à Bobigny. Et, pour le grand public, il a introduit ses casques immersifs Windows Mixed Reality (WMR) inspirés de l’HoloLens ainsi que les casques de ses partenaires Acer et HP, qui s’adressent aux gamers à l’instar de ceux du marché. « Microsoft poursuit clairement une approche de plate-forme commune pour les professionnels et le grand public (Windows Mixed Reality), indique Florent Pelissier. Sur le Microsoft Store, nous avons plus de 20 000 titres. Aujourd’hui, nous cherchons, pour notre plate-forme, du contenu immersif et 3D. Notre récent partenariat avec Steam VR va dans ce sens-là. »

 

La e-santé, un secteur florissant

Déjà présents lors de la précédente édition de Virtuality, les acteurs de la e-santé proposent d’intéressants cas d’usage en VR.
 KineQuantum s’adresse ainsi aux kinésithérapeutes, avec une application sur HTC
Vive rendant ludique – et moins douloureuse – la rééducation fonctionnelle en cas de cervicalgie ou de troubles de l’équilibre. La start-up MyReVe remédie à la peur du vide, l’agoraphobie ou la claustrophobie via une application sur Oculus Rift et prochainement sur Samsung Gear, qui simule en 3D des environnements potentiellement oppressants (couloir de métro, ascenseur, balcon d’immeuble). S’adressant cette fois-ci aux étudiants et professionnels, Ilumens, un département de l’université Sorbonne Paris Cité, se spécialise depuis 2014 dans les techniques de simulation pour la formation. Ses serious games en VR, qui reproduisent des environnements médicaux, présentent, selon le niveau de pratique de l’utilisateur, différents scenarii d’intervention sur des avatars 3D.

 

Aspic Technologies met la VR en son

Dans les environnements virtuels, l’immersion est facilitée – et le motion sickness réduit – si les propriétés acoustiques du lieu (réverbération, écho et occlusion) sont simulées en temps réel et en fonction de la place de l’utilisateur. Créée il y a trois ans à Tourcoing par Marc Muller et Quentin George, Aspic Technologies développe, pour les créateurs de contenus immersifs, des solutions logicielles pour la spatialisation dynamique et la restitution du son (moteur sonore temps réel Aspic Engine). Selon que la production VR possède ou non des déplacements et des interactions, les outils de simulation audio diffèrent : 
« Pour une VR avec interactions, nous utilisons des outils de création propres au jeu vidéo (Wwise ou FMOD) sur lesquels nous branchons nos plug-in VR, remarque Quentin George. Pour une vidéo 360, nos outils de simulation VR viennent se connecter derrière une console de mixage classique. »
 Aspic Technologies signe les espaces sonores de la fiction 360 Altération de Jérôme Blanquet (Okio Studio et Metronomic) et de la série documentaire Intelligence de la main. Pour l’industrie, la start-up est intervenue sur un film promotionnel interactif en VR pour Saint-Gobain permettant de tester les qualités acoustiques des matériaux. Une autre application, en réalité augmentée cette fois-ci, simule l’auralisation d’une véranda qui sonne différemment selon la qualité des matériaux employés et l’intensité de la pluie qui la frappe.

 

* Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #11, p.22-25. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.


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 7 décembre 2017