Asobo met la réalité augmentée à portée des entreprises

À un jet de pierres de la Garonne, au cœur de la cité bordelaise, le studio de développement de jeux vidéo Asobo a relevé un sacré défi : être le premier choisi par Microsoft pour développer des applications adaptées à sa technologie de réalité augmentée, le casque HoloLens. Lancé en avril dernier, cet appareil a été dans un premier temps uniquement accessible aux développeurs, puis aux sociétés américaines et canadiennes, avant d’être lancé le 12 octobre sur le marché européen pour un prix encore très élevé (3 200 €), toujours pour les développeurs et les grandes entreprises.*
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Après le jeu vidéo qu’il développe avec succès depuis 2002, le studio français Asobo s’attèle maintenant à convaincre les entreprises du « champ infini des possibles de la réalité augmentée », comme l’explique Martial Bossard, un des fondateurs d’Asobo, en charge notamment du développement du jeu d’enquête « Fragments », responsable du développement corporate sur le projet HoloLens.

« Avec HoloLens, le défi technologique a été immense. Pour la première fois, nous avons eu la chance d’être un partenaire privilégié de Microsoft. Cela nous a permis de réellement faire de la R&D à partir de leur matériel et ce, dès le début du processus », indique Martial Bossard.

Asobo n’a pas tout de suite développé des logiciels pour le casque de réalité augmentée. Pendant les premiers mois, le studio s’est surtout consacré, via des ateliers thématiques, à l’étude de la reconnaissance des objets, des matières, des mots, afin de déterminer comment bien utiliser et apprivoiser cette nouvelle technologie pour intégrer ces données dans le futur SDK du casque.

« Le SDK est la suite de logiciels fournie habituellement dans un périphérique, un ordinateur ou une console, qui permet de traduire le programme. Cette recherche & développement a duré plusieurs mois. Nous avons réalisé de petites applications afin de mettre en évidence les technologies les plus adaptées à HoloLens », précise Martial Bossard, soulignant par exemple le travail réalisé autour des applications liées à la reconnaissance de la main.

Avec des capteurs de profondeur, ces mouvements ont été traduits en signaux qui, une fois récupérés, ont permis de calculer le positionnement de la main du joueur et ses mouvements dans un jeu tel que « Fragments », l’une des trois applications finales développées par Asobo pour HoloLens.

« Au bout de ces mois de développement, nous avions une base de petits logiciels qui nous ont permis de passer à l’étape suivante : imaginer de petits jeux avec des contraintes qui ont aussi évolué au fil du matériel, et avec les caractéristiques d’un vrai jeu vidéo : une narration, un gameplay, etc. », poursuit-il. Une fois le matériel stabilisé, les capteurs bien définis, le studio s’est lancé dans la création des trois jeux : « HoloTour », « Fragments » et « Young Conquer », sortis en avril 2016.

Il a fallu compter plusieurs années entre les premiers essais et ces applications finalisées. Ce n’était pas la première collaboration d’Asobo et de Microsoft, puisque le studio avait déjà développé des jeux pour la Kinect.

« Travailler sur HoloLens a été un défi similaire pour les inputs, mais il a fallu aussi s’adapter aux contraintes d’un matériel embarqué avec un périphérique dont on doit prendre en compte les limites dues notamment aux batteries. L’autre aspect a été de totalement repenser l’écriture du jeu vidéo qui habituellement se bâtit par niveaux. Là, le jeu devait pouvoir fonctionner dans tous les environnements », souligne Martial Bossard.

Pour chaque objet utilisé dans le jeu, le studio a dû imaginer des sections de codes optimisées pour simplement faire en sorte que cet objet puisse s’intégrer dans n’importe quel lieu, mais aussi que l’interaction avec l’environnement soit possible.

« Nous avons ainsi développé tout un tas de morceaux de codes correspondant à une table basse, un canapé, une bibliothèque, etc. travaillés sous forme de modules, ainsi que le code devant répondre aux contraintes du lieu où le jeu est lancé. Cela nous a demandé énormément d’essais car l’HoloLens ne fournit que l’input, soit la forme de la pièce. Avec nos applications, nous prenons la main sur le reste (décors, mobiliers, objets) ». À ces contraintes technologiques, se sont ajoutées celles de l’ergonomie du jeu totalement différente d’un jeu vidéo « classique » tout comme celles liées à la psychologie et à la compréhension du joueur.

Typiquement, jouer avec HoloLens implique tout le corps du joueur et pas uniquement la tête casquée et les mains. Pour que le joueur suive bien le gameplay, des stimuli de sons, de lumière, doivent être envoyés afin qu’il suive l’action. « Le joueur n’est pas habitué à ce type de pratique et au début il faut vraiment le mettre en situation, d’où l’utilisation d’un hologramme, un avatar représentant l’aide dans le jeu Fragments », souligne-t-il.

Après avoir essuyé les plâtres, Asobo suit actuellement la stratégie dessinée par Microsoft, à savoir : faire découvrir cette nouvelle technologie aux grandes entreprises, que ce soit sur des projets de formation interne, de maintenance à distance, d’interprétation des datas, d’événementiel à destination des consommateurs… Le studio a d’ailleurs lancé le 12 octobre sa division B2B nommée Holoforge (https://www.facebook.com/HoloForgeInteractive).

« La réalité augmentée et l’HoloLens sont pour moi la nouvelle technologie disruptive, c’est une révolution proche de celle qu’a été celle du smartphone », conclut Martial Brossard. 

*Extrait de notre article paru en intégralité, pour la première fois, dans Sonovision #5, pp. 20-21. Abonnez-vous à Sonovision pour avoir accès à nos articles complets dès leur sortie en version papier.