L’audio sur un plateau Web TV (Partie 2)

Une fois l’isolation et le traitement acoustique effectués, se pose la question de l’équipement, à commencer par le choix des micros. Nous aborderons ensuite le mixage aux besoins plus simples qu’en TV. Enfin, se posera la question d’équiper le plateau et la régie en monitoring audio. Nous terminerons par le contrôle des niveaux (loudness or not loudness ?).
2_2018-PWC-videlio-credits-VIDELIO (1).jpg

 

LE CHOIX DES MICROS : DISCRÉTION OU EXUBÉRANCE ?

Tout d’abord, on notera que plus l’isolation et le traitement acoustique sont réussis, plus la plage de microphones utilisable sera étendue. Voici donc un tour d’horizon des microphones couramment utilisés en plateau TV et de leur pertinence sur un plateau de web TV.

Parmi les critères qui entrent dans le choix d’un micro dans ce cadre, au-delà du son, c’est surtout sa praticité, mais aussi sa cohérence par rapport au décor et au type de réalisation choisie qui conditionne le choix. Commençons par le micro par exemple, un outil largement utilisé en TV, notamment sur les plateaux fortement sonorisés accueillant du public, mais aussi en plateau à l’extérieur ou sur le terrain dans le cadre d’un duplex, parce qu’il reste une solution économique diablement efficace pour isoler une voix dans un environnement bruyant.

Cependant, même s’il est efficace, le micro main, en fonction des situations, pourra être jugé trop envahissant à l’image. De plus, il impose aux utilisateurs d’avoir une main prise par l’objet, ce qui peut être handicapant quand on a des fiches à manipuler. Il faut également penser à le garder à une distance suffisamment proche de la bouche sous peine de devoir augmenter le gain à la console et de faire remonter le bruit de fond. Plus subjectivement, il véhicule un look et des postures trop proches de ce que l’on rencontre en conférence ou en installation fixe, mais sera votre allié si le plateau possède une acoustique médiocre. Bref, un ensemble de contraintes à garder à l’esprit dans le cadre d’une web TV.

Pour plus de praticité, on le retrouve parfois monté sur col de cygne, mais plutôt dans des contextes de radio filmée. Sur certains plateaux, il devient même un élément de décor comme sur Bourdin Direct diffusé sur RMC Découverte et BFMTV où le fameux micro Shure SH55 dit « tête de mort » est utilisé. Voilà une reconversion plutôt inattendue pour ce micro cardioïde lié au rock’n roll de Gene Vincent et d’Elvis qui, outre un son plutôt medium/old School pas forcément pertinent dans cet usage, donne par contre au plateau TV un look indéniable, à la fois vintage, agressif et décalé qui se veut sans doute le reflet du ton de l’émission.

Autre catégorie inattendue en plateau TV, les imposants microphones à large membrane type Neumann U87 ou TLM, plutôt conçus pour la prise de son en studio et que l’on retrouve par exemple sur le bureau de Jimmy Fallon sur le Tonight Show de CNN pour donner plus de profondeur à la voix de l’animateur/comique/chanteur en conjonction avec un micro cravate. Cette configuration de micros a d’ailleurs été reprise dans le Late Show à la française, Ce soir avec Arthur, diffusé sur Comédie+ puis sur TF1 jusqu’en 2013. On le voit, beaucoup de solutions restent finalement envisageables en plateau et on peut parfois s’écarter des sentiers battus à partir du moment où il y a cohérence entre les micros utilisés et le concept du programme, qu’il soit diffusé dans les airs ou sur le net.

 

 

COMME AU JT ?

Cependant, lorsqu’il s’agit de coller à l’image standard du plateau TV, notamment dans le monde corporate, c’est souvent le style JT que l’on retrouve le plus souvent en web TV. Dans ce contexte, pour se marier avec une table au design épuré, et en arrière plan, un décor virtuel inséré sur fond vert, on associe bien souvent, soit des micros sur pieds discrets, au look neutre, qui s’insèrent facilement dans le mobilier, soit des micros cravate, soit un mix des deux.

Concernant les micros sur pied, c’est souvent la série CCM de Schoeps avec sa capsule compacte généralement cardioïde et son câble actif qui est plébiscitée. La solution est appréciée pour ses pieds et ses accessoires au look discret et son revêtement non réfléchissant, sans oublier bien sûr la qualité du rendu. On pourrait alternativement imaginer l’usage des micros dits « col de cygne », mais le look sans doute trop conférence font qu’ils ne sont guère utilisés. Pour les micros cravate par contre, les usages sont plus variées en fonction du budget et des modes.

Actuellement, des capsules omnidirectionnelles ou cardioïdes provenant de constructeurs comme DPA, Sennheiser ou Sanken sont couramment utilisées. À noter que les modèles omnidirectionnels, de par leur rendu homogène, sont les plus faciles à placer et à exploiter comparés aux modèles cardioïdes qui isolent certes mieux le sujet, mais réclament un certain savoir-faire dans le placement puisqu’il faut les orienter vers la source sous peine de détimbrages gênants. Voilà qui explique d’ailleurs que les présentateurs ou animateurs amenés régulièrement à tourner la tête pour s’adresser à leurs différents invités soient régulièrement équipés de deux capsules de façon à ce que le mixeur puisse privilégier à la console celle qui sera la mieux placée en fonction de l’action…

Dans cette catégorie, la capsule Sennheiser MKE40, reconnaissable à son diamètre et sa grille imposante, reste le modèle cardioïde plébiscité par les ingénieurs du son français sur les plateaux bruyants. En web TV, pour des questions de simplicité et de budget, les utilisateurs se limitent souvent aux capsules incluses dans les bundles proposés par les constructeurs de solutions HF, comme par exemple les ensembles EW 300 G4 proposés avec la capsule ME2 chez Sennheiser ou encore les séries BLX et SLX avec la capsule WL93 chez Shure, des ensembles que l’on pourra éventuellement faire évoluer avec des modèles plus qualitatifs type Sennheiser MKE2, Sanken Cos 11, DPA 4060, ou Tram TR50 pour ne citer que les principaux…

Alternative intéressante au micro cravate, le micro serre-tête permet, en plaçant la capsule à une distance à la fois faible et constante, d’isoler la voix plus efficacement et d’obtenir un rendu sonore plus homogène. On le retrouve d’ailleurs régulièrement utilisé notamment lorsqu’une sonorisation est utilisée, donc typiquement en conférences, one man shows, ou parfois sur certains jeux TV par des animateurs comme Vincent Lagaf’. Toutefois, cette solution est là encore souvent boudée en plateau, sans doute pour le côté froid, presque androïde qu’il donne à la personne qui en est équipée, notamment sur les gros plans.

 

 

MIXAGE : DES BESOINS PLUS SIMPLES QU’EN TV

Pour le plateau web TV type, les besoins de mixage sont généralement moins complexes qu’en TV. Les sources à mélanger n’excèdent généralement pas cinq micros, quelques entrées lignes stéréo pour le générique, les jingles éventuels et les pistes audio en provenance du serveur vidéo. Du côté des sorties, outre le monitoring casque ou régie en fonction de la configuration, on peut prévoir un départ pour l’oreillette de l’animateur, un autre vers une petite enceinte amplifiée pour le monitoring du plateau et un départ stéréo pour envoyer le mixage antenne vers le mélangeur vidéo.

Dans le cas où l’émission serait enregistrée pour postproduction et diffusion ultérieure, il faudra alors prévoir autant de départs audio que de sources pour pouvoir envoyer vers l’enregistreur vidéo les différentes sources séparées. Par contre, comme il n’y a généralement pas de gestion duplex ou d’insert téléphonique, les fonctionnalités de N-1 spécifiques aux consoles de broadcast ne sont ici pas nécessaires.

Avec un tel cahier des charges, on peut s’orienter vers des consoles numériques polyvalentes similaires à celles utilisées en installation ou en sonorisation légère. Par rapport à l’analogique, la mise en œuvre de départ est plus complexe, mais le numérique propose en revanche des mémoires de configuration type « total recall » qui faciliteront le travail au quotidien. Dans l’absolu, un grand nombre de modèles et de marques destinées à la sonorisation de petits groupes de musique pourrait convenir, mais un rapide sondage sur ce qui est actuellement prescrit montre une préférence pour des références déjà largement répandues.

Plusieurs raisons à cela : d’une part, il faut penser à l’intervention éventuelle de techniciens son pigistes qui seront efficaces sur les consoles standards du marché et d’autre part, comme le rappelle Olivier Cheminade : « Pour les entreprises, la web TV est un outil de communication externe, donc c’est l’image de l’entreprise qui est en jeu et tout compte. On évite donc le sous-dimensionnement ou les marques low cost et on s’appuie sur des produits et des solutions qui ont fait leurs preuves. »

Répondant à ce cahier des charges, on peut citer la console Yamaha 01V96 qui a fait office de référence pendant de longues années, même si les prescripteurs se tournent vers des modèles de conception plus récente comme la série TF, également chez Yamaha. Disponible en versions 17, 25 ou 33 faders, elle propose, de série, un nombre plus important de sorties et de départs pour enregistrer en divergé les différentes sources. Elle est par certains côtés plus limitée, moins souple que la 01V, mais se montre en revanche plus simple à mettre en œuvre. Elle intègre en outre une assistance au réglage de gain et intègre un écran tactile de bonne qualité qui sera sans doute plus intuitif pour l’exploitant non spécialiste du son.

Notons que l’option Dante disponible via une carte additionnelle pourra être intéressante pour transporter les canaux audio via un simple câble RJ45 vers les machines vidéo compatibles. C’est le cas par exemple du Tricaster TC1 qui propose le Dante sous forme d’option logicielle. Avec un budget plus important, on peut se tourner vers des modèles plus sophistiqués type Digico SD11 ou Yamaha QL, voire des produits plus spécifiquement dédiés au broadcast dans les catalogues de fabricants comme Calrec et sa série Brio, SSL ou Lawo qui proposent notamment la gestion du N-1, intéressante en cas de duplex…

 

 

ÉQUIPER LE PLATEAU ET LA RÉGIE EN MONITORING AUDIO

Afin de transmettre certains éléments comme les ordres ou les génériques en provenance de la régie, ou tout simplement pour permettre la ré-écoute d’un enregistrement en plateau, il peut être utile de le sonoriser. Généralement, sont utilisées des enceintes amplifiées à la fois robustes, compactes et abordables comme par exemple la Fostex 6301 qui procure une bonne dizaine de watts, ou la plus puissante Yamaha MSP3.

Plus high-tech mais pas encore testée, une solution élégante serait de faire appel à des enceintes Dante amplifiées et, pour simplifier l’installation, alimentées en PoE, ce qui offre l’avantage de n’avoir qu’un simple câble RJ-45 à tirer pour l’alimentation et la modulation audio. Dans la gamme installation chez Yamaha, le modèle VXL-P, une enceinte Line Array 15 W style barre de son destinée initialement aux salles de réunion, semble répondre à ce cahier des charges : plutôt discrète, disponible en noir ou blanc, facilement intégrable au mur avec les accessoires de montage, et qui peut aussi être installée sur le plateau et au besoin peinte aux couleurs du plateau…

Pour communiquer directement avec le présentateur, on peut prévoir au besoin une oreillette alimentée par un micro de talk-back depuis la régie. De type filaire, ou HF, ce pourra être une configuration à choisir dans la gamme Sennheiser EW G4 ou Shure PSM, ou encore une oreillette Phonak.

Pour véhiculer l’ensemble des sons qui auront besoin d’être transportés en filaire entre la régie et le plateau, on peut prévoir au choix, soit un ou plusieurs boîtiers de scène, soit des versions encastrables au mur ou dans le sol puis reliés à la régie via un multipaire analogique. Là encore, on peut se pencher sur les alternatives en audio sur IP Dante. Les stagebox Rio Yamaha étant surdimensionnés pour notre usage, des modules plus compacts comme le propose le français Auvitran avec sa gamme AVDT-BOB (deux préamplis micro, deux sorties ligne XLR, AES, GPI…) ou ses modules AV Wall DT 4i (préampli micro format Legrand encastrable au mur), ou encore AUdinate avec sa gamme Avio, sont des alternatives possibles.

D’autre part, lorsque l’installation comprend une régie séparée du plateau, il devient nécessaire de prévoir un monitoring audio souvent constitué d’une paire d’enceintes amplifiées à la fois compactes, faciles à installer, ne procurant pas de fatigue auditive, même en cas d’écoute prolongée, et si possible dotées d’un système d’optimisation en fonction de l’acoustique de la pièce. Sur ces critères, une référence comme l’enceinte de proximité bi-amplifiée (2 × 50 W) Genelec 8020 peut suffire dans de petits volumes et se trouve régulièrement prescrite, mais de nombreux modèles deux voies compacts provenant d’autres marques (JBL, Focal, Mackie, Neumann, Dynaudio, Yamaha…) peuvent être envisagés alternativement.

 

 

LE CONTRÔLE DES NIVEAUX : LOUDNESS OR NOT LOUDNESS ?

En broadcast, la gestion et le contrôle des niveaux reste un sujet central et conditionne le mixage, car il est soumis à une régulation et un contrôle stricts, mais ce n’est pas encore le cas sur Internet. Malgré tout, il semblerait que le niveau de loudness -16 LUFS actuellement demandé par Apple pour les podcasts diffusés via iTunes soit considéré comme un niveau standard de facto.

Dans ce cadre, il nous semble donc intéressant de rajouter un afficheur de niveaux capable de mesurer le loudness qui complémentera utilement les afficheurs de la console qui manquent souvent de lisibilité et permettra de garantir une bonne homogénéité sur l’ensemble des programmes disponibles sur votre chaîne. Sur ce créneau, on trouve ainsi le très abordable Clarity M chez TC Electronic, ou, plus cher, le TM3 qui constitue l’entrée de gamme de la série Touch Monitor chez RTW.

 

La première partie du dossier est disponible ici

 

Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #18, p.68-64. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.