Perçus à leurs débuts comme une mode passagère, ces Escape Games s’installent depuis cinq ans. Des enseignes continuent à ouvrir et aucune ne met la clé sous la porte. « C’est compliqué de dire où en est le marché. Comme le cinéma, tant que nous aurons des histoires à raconter, l’Escape Game pourra se développer », commente Pierre Clément, gestionnaire de l’Escape Lab et responsable de son activité B2B.
Ouvert en novembre 2017 par Clarisse Bougon, ce lieu s’appuie sur un concept collaboratif : « Nous ne sommes pas des créateurs de jeux, ni des exploitants. Le pari du Lab est que les game designers se concentrent d’abord sur leur cœur de métier », détaille-t-il.
La mise en place des animations, décors, etc. et l’exploitation sont assurées par les enseignes en résidence. L’Escape Lab se charge de la communication, du marketing et de la gestion B2B des lieux. Cette mutualisation des coûts permet d’avoir un lieu dans Paris et de proposer des univers différents, d’expérimenter des formats innovants comme la réalité virtuelle et de s’adresser aux particuliers ainsi qu’aux entreprises. « L’idée n’est pas de proposer uniquement un catalogue de jeux, mais vraiment des univers différenciants, des expériences particulières », précise le gérant.
Doté d’une capacité d’accueil de 80 participants en simultané, ce « showroom » est le plus important complexe parisien intra-muros avec ses 1 300 m2 dédiés aux jeux, répartis sur huit niveaux. « Cela nous permet de proposer des sessions de team building aux entreprises, aux grands groupes, sans avoir à scinder les équipes dans plusieurs espaces », reprend-il.
Autre spécificité du Lab : la salle éphémère. Avec l’agence BETC a été imaginée « Le Secret de Laurence », une initiative portée par l’association Addictaide afin de sensibiliser sur les ravages de l’alcoolisme chez les femmes. Cette salle éphémère ouverte à tous gratuitement, qui représentait l’appartement de Laurence Cottet, est d’ailleurs déclinée en ligne, via un jeu pédagogique.
Une nouvelle opération éphémère a été lancée cette fois avec la marque Philips. « Depuis le 8 octobre, “Follow the light” permet de découvrir les lumières intelligentes. L’idée est de les promouvoir avec un Escape Game immersif et événementiel », dévoile Pierre Clément. Un étage entier de l’Escape Lab est dédié au B2B, permettant aussi de louer un espace clés en main aux entreprises (privatisation, jeu, etc.).
Le concept de l’Escape Game séduit même les DRH, à l’image d’Orange Ile-de-France, qui lors du dernier salon « Paris pour l’emploi, Carrefours pour l’emploi », le 4 octobre dernier, s’est associé à une autre enseigne, Happy Hour Escape Game, pour concevoir une session de recrutement.
Eclipse VR 4D, un parfum de cinéma
Côté évolution technologique, la réalité augmentée est l’une des voies explorées. « Au sein de l’Escape Lab, nous proposons Eclipse, le premier Escape Game en réalité virtuelle. Cette technologie a déjà été incluse par touche dans d’autres Escape Games ou dans des expériences “cousines” comme celles proposées par des complexes Koezio, qui sont plus proches d’un “Fort Boyard” avec des aventures physiques et sportives », détaille Pierre Clément.
Eclipse VR 4D a été développé par le studio de production de contenus en réalité virtuelle BackLight. Cet Escape Game 2.0 est exploité par Virtual Adventure dans deux salles de l’Escape Game ainsi que dans trois salles de son complexe du centre commercial Carré Sénart (91 et 77).
La qualité artistique et créative de cette expérience a d’ailleurs été saluée par la Mostra de Venise en septembre dernier : Eclipse a été diffusée en compétition officielle dans la catégorie « Meilleure œuvre interactive » (Venice Virtual Reality).
« En termes d’hybridation, elle offre un nouveau système de jeu qui reste un Escape Game, procurant la sensation d’un film dont les joueurs sont les héros, incluant des énigmes dans une immersion totale. Si leurs cerveaux sont trompés par la VR, ils ne subissent à aucun moment de sensation de mal de cœur, grâce, notamment, au sol vibrant, à des sensations de chaleur, etc. », souligne Pierre Clément.
Côté dépaysement, l’effet est complet et parfait. Commençant l’aventure dans une salle noire, les joueurs (trois ou quatre) sont ensuite projetés dans leur voyage spatial, prenant corps dans des décors soignés et extrêmement bluffants. Le pitch est simple et bien ficelé.
Les joueurs partent pour une mission de sauvetage : ils doivent découvrir pourquoi les spationautes du précédent vaisseau, Eclipse 1, ne donnent plus signe de vie. Équipé d’un casque HTC Vive, d’une manette dans chaque main, de capteurs aux chevilles, d’un ordinateur portable (MSI VR1, doté de carte graphique GForce, GTX 1070 dotée d’une puissante carte graphique NVIDIA) glissé dans un sac à dos, vous voici à bord d’Eclipse 2 et, dans 35 minutes, le soleil explose…
Après trois ans et demi en hibernation, vous arrivez près du premier vaisseau. Une équipe est chargée d’arrimer les deux Eclipses, puis la seconde part explorer le vaisseau fantôme. Même si le joueur a parfaitement conscience qu’il est dans un univers virtuel, il ne peut qu’être happé par la magnificence du décor, entre la soute du vaisseau, la brillance et la chaleur du soleil proche de l’explosion, la salle à oxygène (un immense jardin au cœur du vaisseau, etc.). Les énigmes se succèdent et peu à peu les participants s’activent afin de sauver leur peau dans cet univers beau mais hostile.
Eclipse permet deux fins alternatives, selon que les spationautes arrivent ou non dans les temps à la solution. Ils sont aiguillés par la voix de l’IA qui guide le jeu, et celle extérieure du « maître » de l’Escape Game. Rarement l’immersion aura été aussi bien réalisée, ni si bien acceptée par le cerveau et les sens du joueur.
En s’extrayant de cette expérience totale, on se prend à rêver de ce que pourraient, dans un futur proche, proposer des longs-métrages qui mettraient, comme dans ce moyen-métrage, le spectateur au cœur de ses intrigues, le rendant acteur du récit. Plus qu’un Escape Game, Eclipse est une expérience sensorielle totale qui ouvre un champ de possibles infini.
Les Escape Games en chiffres en France
Le site d’actualité et d’avis, Escape Game Paris dénombre, au début du mois d’octobre 2018, 585 enseignes spécialisées dans ces jeux d’évasion grandeur nature. Celles-ci sont situées dans 338 villes en France. Cela représente 1 545 salles permanentes proposant 1 344 scénarios. Il est à noter que 28 % de ces enseignes sont exploitées par 42 franchises. Le groupe Escape Yourself est le plus « gros » exploitant de l’Hexagone, avec 21 complexes dans son parc.
La licence, une voie d’avenir pour l’Escape Game ?
À l’image du jeu Iron Man, imaginé par BackLight pour Disney et Orange, l’une des voies de développement des Escape Games est l’exploitation des licences. L’éditeur de jeux vidéo français Ubisoft explore cette voie. Après une expérience en réalité virtuelle dérivée de la licence Assassin’s Creed, le premier Escape Game d’Ubisoft a annoncé depuis cet été, Escape the Lost Pyramid. Celui-ci est développé par Blue Byte, un studio allemand intégré à Ubisoft depuis 2001.
Testé dans huit villes dans le monde (chez Game of Room à Villeurbanne), ce jeu s’appuie sur l’avant-dernier opus, Assassin’s Creed Origins. D’une durée prévue de 60 minutes, il sera jouable par deux à quatre utilisateurs. Date de lancement prévue cet automne.
Un peu d’histoire…
C’est au Japon qu’est imaginé le concept de l’Escape Game, dérivé du jeu vidéo, Crimson Room, créé par Toshimitsu Takagi en 2004. La première Escape Room est née dans le pays du Soleil Levant en 2007. Le phénomène se répand en Asie et atteint l’Europe par son flanc est. Budapest, la capitale hongroise, devient dès 2011 la Mecque de l’Escape Game. Cette activité atteint la France, le Canada et les États-Unis en 2013.
Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #13, p.20/22. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.