« Nous avons décidé de suivre le fil rouge qui est la conception, la création et la production d’une œuvre audiovisuelle et de montrer, sur ce parcours, quand interviennent les effets spéciaux et de quelle manière ils sont utilisés, ainsi que leur diversité », décrit Marie Pichard, l’une des commissaires de l’exposition, gestionnaire de projets à Universcience.
L’idée est aussi de montrer tout au long du parcours que ces effets spéciaux sont le résultat de réflexions d’hommes et de femmes et que ces VFX sont aussi porteurs de vrais métiers, très recherchés.
Le visiteur entre par le bureau de préproduction, il découvre tous les documents techniques nécessaires pour bâtir le film : scénario, story-board, concept art, feuille de tournage… « On parle des VFX dès ce moment de la conception, le réalisateur va s’entourer de son équipe, notamment du superviseur des VFX qui va en amont réfléchir aux scènes complexes et travailler sur leur réalisation en fonction des effets possibles », reprend-elle.
Une frise dans l’exposition détaille d’ailleurs la diversité de ces VFX : entre ceux dits « de plateau » et les VFX visuels se réalisant en postproduction. « Une fresque avec une trentaine d’affiches de films qui ont jalonné l’histoire des effets spéciaux montre que ceux-ci sont nés avec le cinéma et reflètent l’inventivité humaine pour développer des nouvelles techniques afin de répondre aux exigences du réalisateur », ajoute Marie Pichard.
Un multimédia permet d’ailleurs au visiteur de se mettre à la place d’un apprenti superviseur afin qu’il comprenne que ses décisions vont être prises en fonction de trois facteurs : les volontés du réalisateur, les possibilités techniques et les contraintes budgétaires.
Ensuite, le visiteur découvre le plateau de tournage. Avant de véritablement découvrir les effets de plateau, il est convié à prendre un bracelet ou à utiliser son smartphone pour réaliser pleinement sa visite.
« En effet, le public est invité à jouer l’acteur, à se mettre en scène et s’enregistrer », sourit la commissaire de l’exposition. À la fin de la visite, il peut récupérer, soit les images de ses expériences, soit une bande-annonce standard.
Le premier pôle du plateau de tournage s’interroge sur la création d’êtres vivants. Un point est réalisé sur la motion capture, l’une des techniques les plus en vogue actuellement. Le visiteur est plongé dans un décor de studio, il peut écouter une explication présentée sous forme de contenus audiovisuels qui lui présentent les autres techniques pour créer des êtres vivants, à commencer par le stop motion, les marionnettes, l’animatronic, costume spécialisé, doublure et images numériques.
Le visiteur peut se mettre en scène en motion capture en animant un dragon ou en faisant vivre une créature. « On parle plus de performance capture, puisqu’on capture les images du visage du visiteur qui sont ensuite envoyées sur celui d’une créature, pour avoir une animation en temps réel », détaille Marie Pichard.
Ensuite, le visiteur est entraîné dans l’incontournable poste qu’est le maquillage des VFX. « C’est un métier qui demande des compétences artisanales et artistiques et nécessite des compétences de chimiste, de sculpteur pour pouvoir créer ces effets », souligne-t-elle.
Le travail du maquilleur d’effets spéciaux est bien loin du maquillage traditionnel dit « de beauté » qui existe sur les plateaux télé. Ici, l’exposition se concentre sur la création de moule permettant de créer des prothèses en silicone ou en mousse qui permettront de changer la morphologie des visages des acteurs.
« Nous avons aussi une petite galerie des horreurs montrant des exemples de maquillage pour les films de zombies, mais également de séries policières avec des macchabées », glisse Marie Pichard.
Après ce moment quelque peu troublant pour les âmes sensibles, l’exposition détaille les méthodes d’incrustation ou comment mixer le réel et le virtuel.
« Nous avons créé des décors, mais maintenant le but est d’intégrer les comédiens. C’est la technique de l’incrustation sur fond vert ou bleu ». Un décor d’une scène du Petit Spirou a été recréé afin de montrer et d’expliquer comment elle a été réalisée.
C’est aussi le moment de comprendre le principe de la prévisualisation qui permet au réalisateur de visionner, au moment du tournage, la scène réelle tournée sur un premier écran et qu’il voit en temps réel sur un second, avec les effets numériques incrustés, même si elle n’est pas finalisée.
« Nous proposons au visiteur une grande incrustation en temps réel sur un pont suspendu et avec des projecteurs de cinéma. Il est incrusté dans une scène, sur trois fonds différents : une jungle, des fonds marins ou dans le Jurassic avec des dinosaures qui l’attaquent », poursuit Marie Pichard.
Ces images de synthèse ont été réalisées par les étudiants de l’école de VFX, ArtFx (Montpellier). Son directeur et créateur Gilbert Kiner a, en effet, fait partie du comité scientifique qui a créé l’exposition sur l’invitation du CNC.
« La Cité des sciences a eu besoin d’images pour l’exposition. J’ai lui ai donc proposé de piocher dans notre fonds d’images de synthèse, de films de fin d’études etc. afin d’avoir un large choix. Puis elle s’est rendue compte qu’il allait lui manquer des éléments. Elle nous a demandé si nous pourrions lui fabriquer des images. Plus de 120 étudiants ont travaillé sur ces images de synthèses, aussi sur des fausses affiches (à la fin de l’exposition, la Cité n’ayant pas les droits à l’image sur les vraies) pendant près de six mois », explique Gilbert Kiner.
L’école a aussi travaillé sur les éléments du quatrième pôle présenté dans le plateau de tournage : les anciens trucages qui sont toujours utilisés. Grâce à des images réalisées par ArtFx, le visiteur va découvrir le trucage de la transparence : il s’installe dans un décor de wagon de train : une projection est faite derrière un décor, l’acteur est dans celui-ci, puis le tout est filmé. C’est une technique très utilisée par Alfred Hitchcock et dont s’est servi Christopher Nolan dans Interstellar.
Autre technique : la plongée totale. Une grande installation propose de faire des acrobaties en étant couché sur un sol noir, une caméra filmant en hauteur. Une fois filmé, il aura l’impression d’avoir défié la gravité, l’image ayant été redressée à la verticale. « C’est une technique utilisée au début du XXe siècle et actuellement très prisée dans le spectacle vivant », précise Marie Pichard.
L’exposition flirte, bien sûr, du côté de Georges Méliès avec l’art de l’apparition/disparition : le principe est simple : le visiteur s’enregistre, fait « pause », puis change de vêtement et remet en route. L’ensemble mis bout-à-bout, on a l’impression d’une disparition.
Mariant ludique et pédagogie, l’exposition propose aussi un focus sur la profession de superviseur sous forme de plusieurs entretiens avec des personnalités reconnues dans le métier, avant de passer à la partie VFX numérique proprement dite.
Dans une ambiance tamisée, le visiteur pénètre alors dans le studio de postproduction, il découvre l’univers des « matte painting », originellement réalisées sur verre et dorénavant créées en numérique. Il peut alors admirer cinq matte painting réalisées par Jean-Marie Vives, un grand maître de cet art en France qui a travaillé sur des films comme La Cité des enfants perdus, Amélie Poulain, Alien Resurrection ou Blueberry.
« Pour bien comprendre le métier de graphiste, nous proposons, après cette galerie, de se mettre dans la peau d’un créateur d’images ». Le visiteur va pouvoir créer une image numérique ; grâce à un millefeuille qui se superpose, il choisira les arrière-plans, les effets atmosphériques, etc. pour comprendre les effets visibles, mais aussi invisibles des VFX.
« Par exemple, on tourne un film historique dans Paris, cela va permettre d’effacer les pancartes, les panneaux… », explique la commissaire de l’exposition. Les effets invisibles constituent en effet une grande partie du travail de VFX réalisé en France.
L’exposition revient ensuite sur les effets spéciaux touchant au son : « Les êtres créés en numérique doivent maintenant être dotés d’une voix, cela est fait en postproduction », souligne Marie Pichard.
Dix sons accompagnés de dix anecdotes racontent comment ceux-ci sont fabriqués, par exemple la voix de Chewbacca fabriquée d’un mix de cris de morse distordus en postproduction ou celle du castrat Farinelli dont aucune personne ne peut reproduire actuellement la voix.
Après ces explications, il est temps de découvrir le rendu et sa réalité concrète imagée par des serveurs.
« Toutes ces images ont un poids et sont stockées dans d’immenses armoires de serveurs. Cela permet de parler des impacts environnementaux que peuvent avoir ces salles de rendus. Et nous terminons l’exposition sur l’effet de particule : le visiteur entre dans une mini boîte de nuit et sa silhouette se remplit de particules. C’est un biais pour décrire cet effet très utilisé dans les films où il y a des tornades, des explosions, des effets atmosphériques… Cela nous permet de parler des liens entre science et VFX, puisque nous utilisons, pour recréer ces effets dans le monde du cinéma, des logiciels employés pour étudier la distorsion de la matière », ajoute Marie Pichard.
Enfin, après avoir découvert tous les secrets de VFX, un film dans une salle de cinéma, il invite le visiteur à reprendre sa place de spectateur en posant le postulat de base, même s’il est trompé par les effets. Le spectateur renoue alors le pacte scellé avant toute diffusion d’un film, il croit aux effets, même si après la visite de l’exposition, il connaît toutes les ficelles des VFX !
* Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #9, p.22-25. Abonnez-vous à Sonovision pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.