La VR en milieu sauvage : les nouveaux dinos de Thoiry

Le zoo de Thoiry a confié à la réalité virtuelle le soin de faire revivre des animaux disparus il y a 125 millions d’années. Comment renouveler l’image d’un parc zoologique ? En proposant de s’en échapper et de voyager en remontant l’échelle du temps. Au Safari Zoo Domaine de Thoiry, les visiteurs peuvent se « téléporter » et surprendre des animaux ayant vécu au milieu du Crétacé.*
Yutyrannus_OK.jpg

 

Conçu et produit par Cossima, une agence d’ingénierie touristique spécialisée dans le parc zoologique et de loisirs (zoo de Pessac…), le dispositif de « téléportation », qui embarque à l’époque des dinos à plumes, a opté pour la technologie de la réalité virtuelle.

 

Une « téléportation » progressive

Il n’était pas question pour autant d’enfermer le visiteur dans une nouvelle cage. Même si elle recourt à des casques de réalité virtuelle, des Samsung Gear S7, l’expérience immersive entend être collective : « Grâce à la caméra de leur casque, les visiteurs continuent à percevoir leur environnement et leurs voisins. Puis l’image réelle se transforme progressivement pour laisser la place à un autre décor, celui du film », précise Pierre Godlewski, producteur chez Cossima Productions.

Pour faciliter la transition et augmenter la sensation d’immersion, la « téléportation », prévue pour quinze personnes en simultané, est scénographiée et servie par des effets spéciaux directs tels que fumées, jeux de lumière, caissons de basse et tremblements divers. L’expérience en réalité virtuelle, baptisée par ses concepteurs AnimaTour, s’intègre par ailleurs dans un parcours incluant un chantier de fouille pour paléontologues en herbe et une exposition de dinosaures animatroniques grandeur nature.

Le voyage dans la vallée des dinosaures (supposée se situer dans le nord-est de la Chine) ne dure que cinq minutes. Mais le public appuyé à un garde-corps, préalablement briefé par un opérateur, aura la possibilité de surprendre cinq espèces de dinosaures à plumes parmi les plus rares : psittacosaurus ou lézards perroquets, darwinopterus, yutyrannus…

Pas d’interactivité ni de déplacement dans ce panoramique inédit à 360 ° : ce sont les animaux qui s’approchent du visiteur, lequel ne peut que pivoter sur lui-même. Contrairement à un tournage animalier, le film 360 ° recourt à une focale très grand angle et fait largement appel à l’image de synthèse afin que la rencontre avec les animaux soit spectaculaire.

 

Issus des Mondes perdus

Le troupeau de dinos de Thoiry, surpris par trois féroces T-Rex, n’a rien à voir avec ceux de Jurassic Park. Les dinos portent des plumes et non des écailles, et sont tout droit issus de la série documentaire 3D réalisée en 4K par Bertrand Loyer et Emma Baus (Saint Thomas Productions), Les Mondes perdus (3 fois 52 minutes), diffusée sur Arte fin 2016. Cette collaboration inhabituelle entre une attraction et une production audiovisuelle permet de s’appuyer sur des données récentes validées par des paléontologues, et de réduire le coût de production de l’attraction.

À la demande de Bertrand Loyer, l’équipe d’animateurs 3D, supervisée par François Mourre, a donc adapté les modèles 3D des dinosaures au nouveau pitch et plan séquence à 360 °. Si certaines parties de l’animation ont été récupérées comme les poses statiques, les démarches (etc.) ainsi que les textures, il a fallu accorder les modèles 3D aux contraintes du terrain montagneux, modélisé en 3D en photomodeling : « Nous n’avions que deux mois pour produire 70 minutes et animer (sous Blender) huit dinosaures au sol et une dizaine de ptérosaures volants. Comme c’est un seul plan séquence sur 360°, il n’y a pas d’angle mort ni entrées et sorties de champ. Il faut donc animer à la main les personnages de tous les côtés », raconte François Mourre.

Le décor du film VR, quant à lui, a été filmé en images réelles, dans un site minéral du Roussillon, assez conforme à la géologie de l’ère secondaire. Pour filmer ce plan fixe de cinq minutes au format cinq fois supérieur à la 4K, le rig standard de caméras Red de Saint Thomas Productions a été utilisé.

 

Pods de téléportation

L’attraction de Thoiry innove également au niveau du matériel VR. Pour cette installation qui recourt à une trentaine de Samsung Gear sans fil, Videmus a développé, sur son système Médialon Manager, des automates afin de piloter les téléphones et synchroniser les vidéos, et de gérer la flotte des casques qui s’installent, comme des audioguides, sur des racks de charge. Le module permet entre autres de connaître à distance leur niveau de charge. Le Médialon Manager sert également à contrôler toute la mise en scène.

Le prestataire, qui est intervenu sur l’espace du MK2 VR, a encore développé un lecteur vidéo 360 ° synchronisable et capable de traiter de la vidéo transparente en début d’expérience. Ceci, afin d’assurer une entrée progressive et efficace dans le monde virtuel. Participant également à cette sensation d’immersion, la bande son est spatialisée sur huit pistes (dont cinq points en horizontal et deux points en vertical).

Pour Pierre Godlewski, le dispositif AnimaTour mis en place à Thoiry a vocation à être déployé sur d’autres sites pour faire de la plongée sous-marine par exemple, etc. « L’objectif est de proposer un catalogue de films traitant d’expériences en milieu sauvage grâce à la VR. » 

 

Les Dinosaures s’exposent aussi ailleurs…

Parmi les premiers à recourir aux technologies numériques en 2014, le zoo de Pessac permet de surprendre, en réalité augmentée, un groupe de raptors enfermés dans un authentique enclos (Cossima Productions, Héritage Prod).

Parc à thème dédié à la paléontologie situé à Gannat (Allier), Paléopolis, de son côté, a rouvert en 2017 ses portes sur deux nouvelles attractions en réalité virtuelle sur casque Oculus Rift, lesquelles viennent s’ajouter au Pont des Ptérosaures : une invitation en VR à découvrir, sur un pont en corde, quelques dinosaures.

Réalisées également par Laurent Baleydier (Clermont-Ferrand), La Rencontre et Le Paléo Nautilus invitent à se promener au milieu de la flore et des dinosaures ayant vécu sur le site ou de découvrir des reptiles marins depuis un sous-marin.

À la fois ludiques et pédagogiques, ces expériences sont retransmises en direct sur un grand écran et incluent, pour la première, le visiteur dans le décor projeté. Vincent Salesse, directeur de Paléopolis, espère ainsi relancer l’attractivité du parc et attirer 50 000 visiteurs en 2017.

 

* Article paru pour la première fois dans Sonovision #7, p. 52-53. Abonnez-vous au magazine Sonovision (1 an • 4 numéros + 1 hors-série) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.