VR et muséographie… Le financement, une étape incontournable !

Les 15 et 16 janvier derniers, le salon Museum Connections a réuni la fine fleur d'un secteur culturel en pleine mutation. L’occasion de revenir sur l’entrée de la réalité virtuelle dans ces lieux de culture et plus particulièrement ici sur son financement, étape incontournable.
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« Le CNC a estimé en 2019 que 10 % des personnes interrogées avaient déjà expérimenté la réalité virtuelle », explique Marie-Sandrine Caducal, directrice générale du pôle culture de Nova Consulting, preuve que cette technologie n’a pas encore pénétré les foyers. Les prévisions estiment que ce marché va croître de 85 % d’ici à 2022. À l’heure actuelle, cela offre une formidable opportunité aux musées. Mais rares sont ceux, à l’instar du Musée d’histoire naturelle de Paris, qui consacrent un espace permanent à une expérience en VR. Outre le lieu, qui doit être suffisamment grand pour permettre des jauges conséquentes, le principal obstacle reste le financement.

« Nous avons eu un sponsor, la Fondation Orange. Nous sommes parvenus à l’équilibre financier, mais sans elle nous n’aurions pas pu créer ce programme, basé sur de solides données scientifiques. HTC a fourni les casques et les ordinateurs. Nous sommes maintenant en phase d’investissement et nous travaillons avec d’autres grandes institutions », commente Stéphanie Targui, responsable du service numérique des contenus numériques.

Pour co-créer d’autres contenus sur l’évolution, le Musée d’histoire naturelle de Paris vient d’ailleurs de signer un partenariat avec l’université de Santiago au Chili. « C’est un processus qui prend du temps. Partager notre programmation est important pour un musée scientifique. Plus nos productions sont partagées, mieux cela est. » Certains musées ont pris le parti de tester la VR et de réaliser des expositions temporaires comme L’Obsession des nymphéas, produite par Lucid Realities et le musée de l’Orangerie, présentée pendant quatre mois au printemps dernier et accessible via les stores VR. « Son financement a été possible grâce à Arte et au CNC. Cette expérience était en accès gratuit, nous n’aurions pas pu la financer seuls. HTC nous a prêté les casques et a pris en charge les médiateurs accompagnant l’expérience. Il n’y a pas encore de modèle économique pour ces médiations », glisse Saskia Bakhuys, responsable des productions audiovisuelles du musée d’Orsay.

 

 

S’appuyer sur la billetterie

Autre voie choisie par Mike Jones, chef de production de Marshmallow Laser Fest, (Sweet Dreams présenté au festival de Sundance, Treehugger primé à Tribecca) est de cibler dix musées dans le monde où présenter leurs productions. « Nous avons imaginé un modèle économique en identifiant ces institutions pouvant générer de la billetterie autour de nos expériences immersives », détaille-t-il, ajoutant que désormais les musées sont tout à fait conscients de la plus-value qu’apporte la VR, même si le frein reste le coût technologique. Certaines, comme la galerie Saatchi à Londres, ont accueilli We Live in an Ocean of Air, une immersion créée par Marshmallow Laser Fest en collaboration avec HTC. « Le prix du billet est d’environ une livre sterling la minute. Les visiteurs viennent découvrir ces œuvres en VR, puis visitent la galerie », souligne Mike Jones. Faire tourner ces shows en VR va permettre rapidement de les rentabiliser et de générer des bénéfices, tout en les sortant des festivals, et de les montrer à un nombre plus grand de spectateurs.

Paul Bouchard, responsable des acquisitions VR et de la distribution internationale chez Diversion Cinema, ajoute : « En tant que prestataire de services et créateur d’espace VR et diffuseur, on constate que les musées sont désormais conscients de l’existence de ces offres et de leur apport, mais ils ont encore du mal à l’intégrer dans leur programmation. Le défi est de développer cette offre, l’installation clé en main, et qu’elle soit accessible et abordable. Désormais, nous pouvons proposer des modèles économiques durables et raisonnables. »

Avec plus de 2 000 membres, Kaleidoscope est une plate-forme permettant aux créateurs de discuter des différentes stratégies de distribution autour de leur travail. « Nous avons remarqué qu’ils ont vraiment une forte envie de travailler avec les musées. Cela leur offre une réelle visibilité, et en tant qu’artistes, ils aspirent à toucher le plus grand nombre de personnes. Les musées sont vraiment les endroits idéaux », ajoute Ana Bzerinska, représentant ce réseau de créatifs spécialisés dans la VR.

À l’instar des documentaires, les musées sont invités à se mutualiser : « Actuellement, la tendance est à la coproduction d’œuvres immersives », souligne Christophe Salomon, précisant que pendant les premières années le coût de celles-ci était surtout supporté par les fonds publics. Si proposer une expérience en réalité virtuelle peut devenir « classique » dans les musées, un dernier écueil doit être pris à bras-le-corps par les institutions : la formation de leurs équipes aux maniements de ces technologies. Quand le guide sera aussi doué dans l’explication des œuvres que dans le maniement de l’outil informatique, une étape cruciale sera atteinte.

 

Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #18, p.42-43. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.