L’audio sur un plateau Web TV (Partie 1)

À première vue, un plateau de TV web ressemble fort à un plateau de TV broadcast et hormis les limitations éventuelles de budget, on pourrait penser que l’approche est similaire. En regardant de plus près les équipements et les aménagements à envisager pour l’audio, la réalité se montre plus nuancée. Explications en deux parties.
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Avant de parler du choix de matériel, du type de micros ou du choix de la console, tous les spécialistes que nous avons questionnés insistent sur la réflexion et l’étude préliminaire à mener, voire l’accompagnement par un professionnel qui permettra de choisir et d’aménager au mieux le local qui accueillera le plateau.

Olivier Chaminade, directeur technique chez Vidélio, nous donne quelques ordres de grandeur quant aux dimensions et au budget en se basant sur les situations rencontrées chez ses clients. On retient par exemple que la hauteur sous plafond sera de l’ordre de trois mètres pour pouvoir y ancrer les éclairages, ou encore que pour disposer d’un espace régie son/vidéo isolé du plateau, il faut compter un budget global généralement supérieur à 100 000 euros. En dessous de ce seuil, la réalisation se fera donc dans la pièce avec un monitoring audio au casque.

Notre interlocuteur insiste ensuite sur la situation du local dans l’entreprise, sa proximité éventuelle avec des sources de bruit qui peuvent devenir par la suite un vrai frein à une exploitation sereine : « Il peut s’agir de bruits occasionnés par la circulation de personnes dans les couloirs, de bruits de portes qui s’ouvrent ou se ferment, de la machine à café, voire d’un entrepôt situé en-dessous ou au-dessus, ou encore d’une climatisation inadaptée. Souvent la présence de ce qui deviendra en exploitation des nuisances sonores est sous-évaluée. »

 

 

LOCAL, AMÉNAGEMENTS ET TRAITEMENTS ACOUSTIQUES : PAR OÙ COMMENCER ?

Alors comment faire pour réussir à transformer un local professionnel lambda en un plateau de web TV réussi ? Pour y voir plus clair sur le choix du lieu et avoir une idée des principaux critères qui permettront d’examiner la faisabilité de l’opération, nous avons choisi de consulter un homme de l’art, en l’occurrence Florian Louineau, acousticien et responsable de Coreway Engineering Ltd qui traite aussi bien des lieux destinés à accueillir du public comme l’Hôtel Bristol ou le Show Room LVMH, que des studios comme ceux de la chaîne Al Jazeera Sport ou encore celui de l’Orchestre National d’IDF.

 

Sonovision : Mettons-nous dans la peau d’un membre d’un service communication d’une entreprise souhaitant transformer un espace professionnel en studio de web TV. Quels conseils lui donner d’une manière générale avant de se lancer ?

Florian Louineau : La meilleure approche est d’adopter une stratégie globale de la compréhension du bâtiment dans lequel on souhaite installer ce type de structure. Un immeuble ancien de type habitation ne se traitera donc pas comme un bâtiment industriel par exemple. Il faut également penser à l’impact de la localisation géographique environnementale du bâtiment. Par exemple, la proximité de grands axes routiers, d’une voie ferrée, d’une ligne de métro ou d’un aéroport peut sérieusement compliquer les choses.

Vient ensuite l’emplacement pressenti du plateau à l’intérieur du bâtiment, l’idéal étant de rester le plus possible isolé et en recul par rapport aux accès, circulations de personnes et infrastructures techniques dans le bâtiment, et de préférence côté cour lorsque l’on se trouve en milieu urbain. Sans viser la qualité d’un studio son, il faut ensuite juste prévoir une qualité d’isolation et de traitement suffisante, le but étant de créer un lieu permettant de travailler sereinement sans être obligé de devoir refaire des prises à cause de bruits extérieurs…

 

 

S. : Effectivement, mais pour éviter ce type de situation, par où commencer ? Faut-il faire venir un acousticien ?

F. L. : Évidemment, il est toujours plus sérieux de faire un diagnostic pro. Mais, avant d’engager des dépenses, pourquoi ne pas faire confiance à vos oreilles, qui après tout restent un excellent instrument de mesure, ou encore mieux, un enregistreur couplé à un micro statique que l’on écoutera ensuite au casque. En s’asseyant quelques minutes en ne faisant rien d’autre que d’écouter attentivement les bruits avoisinants et en les analysant, on peut déjà en apprendre beaucoup sur le local et les traitements à mettre en œuvre.

 

 

S. : Imaginons qu’à l’issue de ce pré-diagnostic, on constate la présence de bruits de pas…

F. L. : Si ces bruits sont dus à la circulation dans un couloir ou un bureau adjacent, une simple moquette épaisse posée sur une thibaude acoustique (un tapis anti-vibration composé de granulés de caoutchouc, NDLR) comme le Black Onyx de chez Estillon par exemple permettra de régler le problème de manière simple et efficace, tout en prolongeant la durée de vie de la moquette.

Par contre, si les bruits de pas proviennent d’un étage supérieur exploité par un tiers, la solution est plus complexe car cela signifie que l’ensemble de la structure est excitée. Il faudra alors prévoir un plafond acoustique suspendu par des suspentes acoustiques afin qu’il ne vibre pas. Et s’il y a des éclairages suspendus au plafond, il faudra prévoir les découpes pour laisser passer les ancrages de la structure. On utilise généralement deux couches de BA13 Sonic avec, au-dessus, une couche de laine de verre…

 

 

S. : Quel impact en termes de budget ?

F. L. : Pour toutes les cloisons acoustiques, fournies posées/peintes, il faut compter environ 80/120 euros du mètre carré suivant la facilité d’accès, les découpes à envisager…

 

 

S. : Et lorsque l’on souhaite réaliser des cloisons efficaces, quelle est la marche à suivre ?

F. L. : Afin de confiner l’endroit et de réaliser une première isolation acoustique de ce qui deviendra le futur plateau TV, l’idéal est de réaliser une cloison à double paroi d’une épaisseur comprise entre 10 et 14 cm. Le plus simple est d’utiliser des plaques de plâtre technique acoustique, comme le Placo Duo’Tech 25. Ce matériau est constitué de deux feuilles de plâtre séparées par une feuille de plastique souple qui améliore les performances de la cloison dans les basses fréquences. Voilà qui permet de n’utiliser qu’une couche de chaque côté de l’ossature. Attention par contre à la mise en œuvre qui devra être effectuée par du personnel expérimenté sur ce genre de produit…

 

 

S. : Quelles précautions pour la climatisation ?

F. L. : Il faut que l’unité de climatisation utilisée propose au moins trois vitesses de façon à rester en dessous de 2 m.Sec-1 en débit, sous peine de faire siffler les grilles. Afin d’améliorer encore le silence de fonctionnement, on peut rajouter un boîtier type silencieux ou labyrinthe acoustique.

 

 

S. : Et si on entend des bruits venant de l’extérieur, le trafic par exemple ?

F. L. : Si l’on souhaite conserver les fenêtres, il faudra alors sans doute les changer et opter pour un modèle double-vitrage performant sur le plan acoustique.

 

 

S. : Et le meilleur remède contre les portes qui claquent ?

F. L. : Le plus sûr sera tout simplement d’équiper toutes les portes situées à proximité de ferme-porte.

 

 

S. : Et à propos de portes, comment prévoir les accès du futur plateau ?

F. L. : D’une manière générale, pour éviter toute intrusion accidentelle pendant le tournage, il est sage d’éviter tout accès direct depuis l’extérieur vers le plateau en prévoyant une zone tampon d’accès au plateau qui forme un sas. On peut par exemple prévoir des dimensions suffisantes pour créer un espace pour l’accueil des invités et le maquillage. On améliore ainsi les performances en termes d’insonorisation avec l’extérieur.

Dans le choix des proportions du plateau on évitera les multiples de deux pour les trois dimensions afin de diminuer l’influence des modes propres sur la qualité acoustique. Sinon, il faut utiliser des portes acoustiques dotées de 38 à 42 dB d’affaiblissement du bruit comme les modèles de chez Huet, pas plus chers que les autres et que nous prescrivons régulièrement pour les studios.

 

 

S. : Il y a sans doute des situations qui peuvent se montrer particulièrement complexes ?

F. L. : Effectivement, il faut parfois envisager une isolation acoustique renforcée et par conséquent des travaux qui risquent de se montrer lourds et coûteux, pouvant nécessiter la création « d’une boîte dans la boîte ». Ce pourra être le cas si le bâtiment accueille des professions ou des activités qui génèrent du bruit ou des vibrations qui excitent la structure. Il peut s’agir par exemple des chariots élévateurs qui circulent dans l’entrepôt de stockage situé à l’étage du dessous, comme de la rampe de parking attenante au bâtiment, des cuisines du restaurant d’en dessous, de la cage du monte-charge attenant au local que vous pensiez utiliser…

 

 

S. : Et une fois l’isolation effectuée, il faut penser j’imagine au traitement acoustique…

F. L. : Oui, il faut traiter bien sûr, mais attention à ne pas tomber dans la surenchère de traitements. Dans certains studios, j’ai déjà constaté une utilisation abusive de produits acoustiques dédiés, notamment des mousses, qui reviennent au final très cher et font que l’acoustique devient trop mate. Mieux vaut utiliser des produits du commerce largement utilisés dans les bureaux ou les lieux publics.

Par exemple, au plafond, nous prescrivons régulièrement les dalles absorbantes Tonga qui sont légères et disponibles dans de nombreux coloris. Et pour réduire le flutter (phénomène acoustique que l’on pourrait traduire par écho flottant ou ondes stationnaires, NDLR), on pourra appliquer des panneaux absorbants constitués de plaques de laine de roche haute densité que l’on habillera ensuite de tissus. On peut également utiliser des rideaux acoustiques constitués à partir d’un velours épais doublé, ignifugé et molletonné au milieu. Outre le côté décoratif et chaleureux, cette solution offre l’avantage de permettre un traitement modulaire suivant les besoins…

 

La seconde partie de ce dossier est disponible ici

 

Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #18, p.68-64. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.