Sonovision : Pourquoi ce choix d’une réalité mixte au musée de la Libération, désormais installé juste au-dessus du QG de commandement du colonel Rol-Tanguy, là où s’est planifié et organisé le soulèvement populaire de Paris d’août 1944 ?
Philippe Rivière : L’immersion en réalité mixte était très adaptée pour faire vivre l’abri de Rol-Tanguy, évoquer le fourmillement et la tension qui régnaient lors de cette semaine cruciale. Comme le lieu est très humide, il ne comporte que peu d’objets, lesquels nécessitent des vitrines étanches et climatisées. Une immersion totale numérique ne nous semblait pas indiquée car elle aurait isolé les visiteurs. Or, il fallait que ceux-ci ressentent cette atmosphère oppressante. Les retours sont très positifs, qu’ils émanent des plus de 50 ans et bien sûr des jeunes.
S. : Allez-vous réitérer cette expérimentation ?
P. R. : Au musée de la Libération, nous sommes encore en expérimentation. L’application utilise un casque Hololens de première génération. À la fin de l’année, nous le remplacerons par un casque Hololens 2 afin d’amplifier l’expérience en confort et en interactivité. Cette expérimentation sera alors pérennisée et constituera l’un des outils principaux de médiation pour le musée de la Libération, qui s’y prête très bien.
S. : La médiation immersive correspond-elle à un axe fort pour Paris Musées ?
P. R. : Oui. En 2017, nous avions reconstitué en réalité virtuelle l’atelier Bourdelle (prix 2018 à Laval Virtual). Ce projet s’adressait à des publics empêchés et n’avait pas vocation à être montré in situ. Pour l’exposition sur le peintre napolitain Luca Giordano au Petit Palais (novembre 2019), une salle immersive avec des vidéoprojections sur trois murs et le plafond présentera des détails dans l’iconographie et la touche picturale. Aujourd’hui, nous n’hésitons plus à aller vers ces médiations (réalité virtuelle, réalité augmentée, réalité mixte ou vidéoprojections) car nous savons quelle technique sera la mieux appropriée pour le projet. Mais avant de la rendre pérenne et de la proposer à d’autres musées, nous réalisons toujours des tests et vérifions la portabilité du projet. C’est la force de notre réseau composé de 14 musées.
S. : Quelles sont les grandes tendances de votre programmation 2020 ?
P. R. : Le GigaPixel et l’impression 3D font leur entrée dans notre offre numérique. Nous venons de lancer la deuxième version de notre application GigaPixels, laquelle est mise à disposition sur nos sites, mais fait aussi l’objet d’une application spécifique. Cette numérisation de très grande qualité autorise des expositions immersives avec des grandes vidéoprojections. Dans le cadre d’ateliers, les élèves peuvent aussi créer leur propre storytelling sur nos œuvres.
Nous avons présenté également l’impression 3D via notre plate-forme Sketchfab. Nous avons commencé au musée Victor-Hugo, à Cognacq-Jay puis à Cernuschi. La numérisation 3D et l’impression 3D permettent de disposer de nombreux outils de médiation. En interne, nous maîtrisons aujourd’hui deux outils d’impression 3D que nous utilisons aussi en atelier pédagogique. Nous avons donc différentes approches pour ces nouveaux médias.
S. : Pour expérimenter in situ ces nouvelles médiations, allez-vous ouvrir, comme le CMN, un incubateur de starts-up ?
P. R. : Nous avons créé en 2018 le Paris Musées Lab afin de présenter en interne nos innovations (réalité virtuelle, réalité augmentée, numérisation 3D, impression 3D), mais aussi les nombreuses API que nous développons pour que nos sites dialoguent entre eux et avec l’ensemble des outils numériques du réseau Paris Musées. Nous travaillons beaucoup avec les starts-up car nous sommes toujours à la recherche de nouvelles tendances que nous n’hésitons pas à expérimenter sur nos sites, dans le cadre de nos collections et expositions. Mais il n’est pas exclu que nous créions à notre tour un incubateur…
Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #17, p.16-18. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.
Pour en savoir plus, retrouvez notre interview vidéo de Nino Sapina, qui décrit le dispositif en réalité augmentée présenté au Musée de la Libération ici et là, plus d’informations sur les lunettes Hololens…