Essaimage de la société audiovisuelle Biplan, 44 Screens développe des applications mobiles et des parcours en réalité augmentée 3D depuis cinq ans. Outre le parcours pour la ville de Cherbourg, la jeune spin-off s’est fait connaître pour l’application en réalité augmentée immersive Arromanches 44, une innovation qui lui a valu le prix Ulysse de l’Innovation Touristique en 2014. Depuis, 44 Screens a mené à bien plusieurs projets de visites guidées « enrichies » qui lui ont permis de définir une approche pragmatique de la réalité augmentée.
Au château de la Hunauday (près de Saint-Malo), le dispositif sur Android participe ainsi de la visite guidée : le guide montrant à son groupe à l’aide de la tablette – les visiteurs en disposent d’un nombre réduit – les parties manquantes du château reconstituées en 3D par Kiwimage ainsi que les intérieurs de l’époque. « Le calage des vues se fait simplement en recourant à la boussole et accéléromètre de la tablette : les guides savent en effet où se positionner !, précise Lionel Guillaume. Le soutien à la visite ne vise ni à remplacer le guide, ni à isoler le visiteur. Le but est de susciter le dialogue et d’interagir avec la muséologie. » Depuis la mise en place du dispositif, qui participe d’un projet global de médiation numérique (film 3D, etc.), la fréquentation du château a augmenté de 20 %.
Pour les projets suivants, le prestataire a choisi des mini-iPad. Ainsi, à Madrid, le château Manzanares el Real met à la disposition du public des tablettes recourant à des techniques de calage différentes selon les expériences de réalité augmentée souhaitées (intérieur et extérieur) : visualisation du Madrid de l’époque à partir des fenêtres des tours, reconstitution 3D des jardins et du donjon, interaction avec un guide virtuel 3D (application pour les enfants)… « Nous recourons à la reconnaissance d’images en utilisant des éléments du décor réel comme repères ou bien nous proposons aux visiteurs de se rendre à des endroits particuliers. » La dernière expérience, non la moins efficace, reprend même le principe de base de la réalité augmentée (via un QRCode) en affichant en 3D le château sur l’écran à partir de sa reproduction imprimée.
Pour faciliter l’introduction de la réalité augmentée en milieu muséal (mise à jour plus aisée, etc.), 44 Screens préconise souvent le prêt des appareils (inclus ou non dans le prix du billet) plutôt que le téléchargement d’une application dédiée sur le smartphone du visiteur. Comme celle créée pour le musée espagnol d’archéologie sous-marine Arqua, qui permet de découvrir les vestiges sous-marins des côtes.
Une triple implantation à Paris, Madrid et Montréal permet en outre à 44 Screens, qui va bientôt équiper un important château de la Loire en réalité augmentée, de mener, avec Quadraxis (Cherbourg) et les laboratoires de recherche CVC (Barcelone) et Greyc (Caen), un programme en R&D, RA2i (Réalité Augmentée Immersive et Interactive), sur la valorisation du patrimoine à l’aide de smartphones et tablettes tactiles. Ce programme, qui porte sur de nouveaux algorithmes de calage de l’image en extérieur, a donné lieu en janvier 2016 à un dépôt de brevet. Celui-ci arrive au bon moment : la communauté mondiale étant en recherche de méthodes et produits flexibles, pratiques et bon marché, et surtout multiplates-formes.
La réalité augmentée embarquée dans un tramway
Avec le projet Connectram, la réalité augmentée se fait, pour la première fois, collective et mobile. Et le tramway devient à son tour un objet connecté. À la demande de l’opérateur de transport public Keolis Bordeaux Métropole, la société bordelaise Axyz (Compagnon de visite en réalité augmentée pour Lascaux4) pilote l’expérience en partenariat avec le CEA Tech (List).
La phase 1 (octobre 2015) a donné lieu à un premier test sur une rame de la ligne C. Sur deux grandes « vitres écrans » plaquées sur celles du tram et reliées à un ordinateur, un GPS et un odomètre, les passagers ont découvert, s’affichant en temps réel sur le paysage filmé par des caméras, des informations de mobilité en 2D géolocalisées : moyens de transport mis à disposition aux stations, horaires des TGV et TER à l’approche de la gare Saint-Jean…
La phase 2, qui aura vraisemblablement lieu vers février 2016, complétera l’offre avec d’autres éléments 2D comme la programmation de lieux culturels situés à proximité de la ligne, l’annonce d’événements, voire des expositions géolocalisées. Le développement le plus attendu – et le plus complexe à mettre en œuvre – reste toutefois l’affichage en 3D, dans le flux vidéo, des futurs projets immobiliers de la zone Bordeaux-Euratlantique comme la nouvelle gare LGV.
« Nous testons en fait un ensemble de services possibles, remarque Thierry Barbier, en charge chez Axyz de la mise en œuvre du dispositif technique de diffusion avec Keolis et CEA Tech, ainsi que de l’intégration des éléments architecturaux et l’affichage dynamique des informations de mobilité. Les retours passagers nous permettront de mieux connaître l’impact de ces affichages et de faire évoluer le dispositif. » Pour ce déploiement d’applications en réalité augmentée et en temps réel, le CEA Tech s’est lancé dans le développement d’algorithmes de calage 3D en environnement urbain extérieur de très grande précision et fiabilité. Estimé à 600 000 € (soutenu par l’Europe), le projet Connectram, en phase de prototypage, pourrait préfigurer le tram de demain.