Avec la démocratisation des smartphones (et du réseau 3G/4G) qui constituent sa principale interface de visualisation, la réalité augmentée est devenue mobile et fait désormais partie de l’offre en médiation culturelle. Nombre de parcours de visite sur mobile ou tablette incluent aujourd’hui de telles expériences, parfois spectaculaires, dans lesquelles des éléments virtuels (infographie 2D, images 3D) viennent enrichir l’existant en surimpression (paysage, bâtiment, objet…) : du donjon de Vincennes au château de Blois en passant par le pont d’Avignon ou la gare Saint-Jean à Bordeaux.
Si la réalité augmentée demeure un moyen incontournable pour restituer un patrimoine (passé ou futur) et accéder à des contenus, son développement reste toutefois tributaire des technologies, comme l’a récemment montré le rachat de plusieurs éditeurs de solutions fiables et accessibles comme Metaio par Apple, qui entend ainsi se positionner sur ce marché. Ce qui oblige les acteurs du secteur à rechercher des alternatives logicielles et technologiques (localisation indoor sans balises, li-fi…).
Art Graphique & Patrimoine, une réalité augmentée sur mesure
Primée Meilleure application mondiale au World Summit Award 2013, l’application en réalité augmentée de Jumièges développée par AGP (Art Graphique & Patrimoine) avec GMT Editions et Axyz propose, quatre ans après sa mise au point, une reconstitution 3D toujours aussi bluffante de l’abbaye normande telle qu’elle était au cours de son histoire. « Depuis que nous déclinons la réalité augmentée dans nos applications mobiles, nous veillons à ce que le contenu soit de qualité afin qu’il ne soit pas lié à la technologie », prévient Gaël Hamon, fondateur d’AGP.
Créée en 1994, la société a été parmi les premières (avec On Situ, Axyz, etc.) à proposer la réalité augmentée en fixe (comme au château de Vincennes ou à Amiens) puis en mobile. Pas moins d’une dizaine d’applications ont été réalisées, la plupart sur iPad, qui incluent des parcours géolocalisés de découverte de ville comme celui de Perpignan (Parcours gothique), Poitiers (en téléchargement gratuit) et Avignon (reconstitution du pont). AGP s’est fait remarquer aussi par le prototype de visite Moulage augmenté, à la cité de l’Architecture et du Patrimoine, lequel permet de replacer des moulages d’architecture dans leurs contextes, à savoir les édifices dont ils sont issus. Au musée de l’Armée, le dispositif mobile offre de restituer de manière très complète le Dôme des Invalides à l’époque de Louis XIV.
À la villa Cavrois, le parcours de visite, défini avec le Centre des monuments nationaux, inclut des visualisations inédites des espaces tels qu’ils ont été conçus par l’architecte Mallet-Stevens au début des années 30. Cette dernière expérience, qui a nécessité un tracking en temps réel, se vit également en réalité « substituée » (hors-les-murs). « Au sein du même parcours, peuvent se combiner différents niveaux de réalité augmentée (Jumièges, Cavrois, etc.). Mais la RA (in situ ou hors-les-murs), l’élément le plus spectaculaire, ne suffit pas à tout raconter. Il faut encore appuyer la narration par des contenus associés (vidéo, texte, audio, jeu, animation 3D…).
Nos réponses sont toujours du sur-mesure. » Les technologies employées se montrent également aussi variées, et dépendent de l’effet recherché et de la qualité d’image à restituer. Si l’offre du marché en géolocalisation est fournie (iBeacons, WiFi, tracking vidéo, UWB…), il n’y a pas, selon Gaël Hamon, de couteau suisse qui pourrait résoudre à la fois la géolocalisation de la personne et celle de l’appareil. Les limites technologiques majeures toutefois se situent plutôt au niveau du matériel utilisé et de la puissance des processeurs graphiques : « Où mettre cette puissance ? Si c’est la qualité de l’image que l’on veut mettre en avant, la géolocalisation en pâtit et devient moins précise, et inversement. La réalité augmentée n’en est qu’à ses débuts. »
La plate-forme d’édition transmedia de Mazedia
Si Mazedia s’est illustrée avec des applications mobiles au sein de nombreuses scénographies de lieux culturels (Historial de la Vendée, jardins de Versailles) mais aussi d’entreprises (Andra, cité des Télécoms), la réalité augmentée, pour Vincent Roirand, fondateur de Mazedia, ne constitue pas le noyau central de la scénographie numérique : « Proposer une application sur tablette d’une demi-heure en réalité augmentée n’est ni raisonnable ni même supportable pour l’utilisateur. Pour cet important site patrimonial français que nous allons équiper, la solution consiste à proposer, uniquement à certains endroits de la visite, une expérience en RA stéréoscopique couplée avec le cardboard de Google. »
Parmi les premiers à initier des parcours muséographiques géolocalisés (Liberty Guide), Mazedia milite plutôt pour une approche diversifiée : « Les scénographies digitales s’orientent vers une offre combinant à la fois la RA, le parcours de visite traditionnel et d’autres types d’expériences (réseaux sociaux…). Il s’agit aujourd’hui d’avoir une réflexion digitale globale, dans laquelle les dispositifs interopèrent les uns avec les autres. »
Destiné aux musées et sites culturels et patrimoniaux, le dispositif de médiation numérique Wezit (commercialisé depuis 2013) entend ainsi globaliser l’expérience du visiteur quel que soit le support : smartphone, borne, table tactile ou site Internet. Devenu une véritable plateforme d’édition transmedia, Wezit propose des services en mesure de créer des parcours de visite paramétrables (image, texte, son et vidéo) et surtout d’interconnecter tous les scénarios et terminaux de consultation fixes ou mobiles. Pour la société Ackerman (Saumur), Mazedia vient ainsi d’interfacer un site de vente en ligne avec un parcours de visite sur tablette.De même, à l’occasion des 350 ans de Saint-Gobain, le prestataire a développé, à partir de la même plateforme, le site de l’exposition, en même temps que l’application pour tables multitouch.
Depuis sa sortie, Wezit équipe vingt-quatre sites dont les musées de la RMN, le musée départemental de l’Oise, l’écomusée de Marquèze ou le département de l’Hérault. La R&D de Mazedia se concentre sur ce type de développement plutôt que sur celui de la réalité augmentée, qui serait entrée, selon Vincent Roirand, dans une phase de développement des usages. Pour ses projets simples d’intégration, la société, qui fait partie du projet de R&D Culte (Cultural Urban Learning Transmedia Experience) sur les nouvelles formes de scénarisation de parcours de visite, initié par le musée du Quai Branly, préfère en effet recourir à des solutions du marché « très bien packagées » (Vuforia, Wikitude…) ou collaborer avec MG Design (Nantes) qui a développé des solutions en réalité augmentée 3D temps réel.