Le MuséoParc d’Alésia, ce n’est pas seulement l’histoire du siège et de la bataille de Vercingétorix (en 52 avant J.-C.), ce sont aussi les Gallo-Romains qui vécurent sur l’oppidum et… l’archéologie qui reste la discipline reine pour les appréhender.
« Nous avions conscience d’avoir quelque chose de nouveau et d’atypique à construire au MuséoParc », remarque Michel Rouger qui a rejoint l’institution il y a quatre ans en tant que directeur général.
Aussi, lorsque le Département de la Côte-d’Or abandonne le projet de musée archéologique qui devait venir en complément du parcours de découverte et du centre d’interprétation à Alise-Sainte-Reine, le directeur s’engouffre dans la brèche : « La scénographie du centre d’interprétation ne se consacrait qu’au siège d’Alésia et laissait de côté la ville gallo-romaine et le mythe celtique. Par ailleurs, nous désirions présenter notre collection archéologique (riche d’environ 600 objets) qui n’était pas sortie depuis vingt ans ainsi que le résultat de fouilles récentes sous un sanctuaire gallo-romain. »
Changer de stratégie et mixer ces deux approches (musée et parc) devient alors l’axe de la nouvelle direction, complètement synchrone avec le maître d’ouvrage (Département de la Côte-d’Or), qui en profite pour mettre en place une scénographie plus à l’anglo-saxonne (avec plus de manipulations physiques, d’objets à toucher, etc.) mais aussi plus vivante, plus joyeuse : « Nous voulons casser l’image du musée archéologique avec des vitrines pleines d’objets qui ne parlent pas au grand public. L’expérience de visite du MuséoParc, dont le public est surtout familial, doit déclencher des émotions et laisser des souvenirs. »
Cette nouvelle scénographie permanente (sur 1 100 mètres carrés) qui s’inscrit dans le bâtiment circulaire de Bernard Tschumi est confiée à Clémence Farrell (suite à un appel d’offres) qui signe la scénographie et la direction artistique, et à Muséomaniac pour la conception audiovisuelle et multimédia.
Pour trouver cet équilibre entre le muséo et le ludique, la scénographe de l’Historial de Jeanne-d’Arc à Rouen va juxtaposer des dispositifs de médiation très innovants à une présentation de la collection d’archéologie qui demeure le fil rouge du parcours. « Les collections d’archéologie, avec leurs objets parfois obscurs, se prêtent idéalement à l’innovation en médiation », souligne la scénographe.
Chasser les clichés et faire parler les pierres
La scénographie va s’appuyer sur cette architecture circulaire du centre dont les grandes baies vitrées ouvrent sur l’oppidum et « immergent » naturellement les visiteurs dans l’histoire. Dans cette coursive qui donne accès à huit espaces contextualisés, une frise du temps interactive accompagne la déambulation, abondamment documentée par un lutrin qui regroupe à la fois des informations de compréhension sous forme de cartels, de panneaux en braille, de bandes dessinées ou d’objets à toucher ou sonores.
Côté paysage, plusieurs vitrines « augmentées » au moyen de moniteurs transparents placés devant introduisent la collection. Rendu en animation au trait, un archéologue, le « guide » du parcours, commente les objets en se déplaçant sur l’écran. Ce dispositif comportant une vitrine-caisson lumineuse avec une dalle LCD transparente se retrouvera un peu plus loin pour d’autres démonstrations, dont la reconstitution d’un bouclier gaulois à partir de fragments.
La première « vraie » rencontre avec les Gaulois se fait de manière tout aussi décomplexée et inattendue, à l’aide d’une fresque audiovisuelle panoramique consacrée… aux clichés.
« Il est important de partir de ce que les visiteurs savent de cette histoire », poursuit Michel Rouger. « Il est plus facile ensuite de les amener sur d’autres connaissances. Il ne faut jamais oublier que ce voyage dans le passé s’adresse aux visiteurs aujourd’hui. »
Sur un écran transparent (55 pouces) placé devant cette projection, de faux interviewés filmés en incrustation rapportent ce qu’ils savent des Gaulois et comment ils les imaginent. Les « bonnes » réponses s’inscrivent sur la fresque de manière humoristique et à l’aide d’animations 2D/3D.
Un peu plus loin, une autre vidéoprojection de cinq mètres de base, faisant face à des gradins, raconte la fameuse bataille et le siège d’Alésia sous la forme d’un diptyque indiquant les forces en présence ou en mode panoramique afin de prendre plus de recul sur le conflit. En bas de l’écran, une timeline décompte le nombre de jours avant la défaite gauloise.
À côté de cette évocation, plus dynamique qu’immersive, qui occupe une place centrale dans le musée, un espace dédié permet aux visiteurs de se défouler dans un combat grandeur nature en manipulant virtuellement des armes gauloises ou romaines devant un grand écran interfacé à un système de détection de mouvements de type Kinect.
« En fait, la plupart de ces dispositifs viennent du monde du retail et des parcs d’attraction », explique la scénographe de l’Historial de Jeanne-d’Arc à Rouen. « Encore peu utilisés dans les musées, ils permettent d’en augmenter le contenu sans entrer en concurrence avec lui. »
Bien connus des parcs d’attraction, les talking heads (ou bustes animés en micro mapping) deviennent ainsi des vecteurs importants de médiation. Ponctuant la frise chronologique de la coursive, des niches abritent des bustes « augmentés » de César, mais aussi de Vercingétorix et de Napoléon III (le premier à entreprendre des fouilles sur le site) qui commentent, chacun à leur manière, l’histoire d’Alésia. De même, un livre interactif à détection ILS (Instrument Landing System) permet de consulter, de manière ludique et accessible, des extraits de La Guerre des Gaules de César.
Le parcours « archéo », regorge encore d’autres installations interactives comme cet imposant « mur magique » sur les techniques archéologiques montrant un plan imprimé d’Alésia, dont certaines parties (correspondant aux zones de fouille) peuvent être activées par le mouvement de la main du visiteur, lequel accède ainsi à des contenus audiovisuels (graphiques, animations, archives)…
Ou ce bac à fouille numérique invitant à reconstituer une poterie, ou cette exploration en vue aérienne utilisant un lidar (un scanner d’archéologue) ou, proposé en fin de parcours, ce photocall souvenir immortalisant la visite en mode gaulois ou gallo-romain. Se trouvent encore plusieurs manips « hybrides », dont le Carnet de fouilles qui fait l’objet d’un espace à lui tout seul, qui mêle une approche mécanique à des animations sur écran.
Dans ce parcours muséographique, qui se plaît à intriquer les dispositifs pour mieux faire toucher du doigt l’histoire, des silhouettes animées de Gallo-Romains se glissent sur les cimaises afin de rendre plus vivants leurs propos : le commerce, les échanges, etc.
En rétroprojection dans la salle dite « aux arcades », le point d’orgue entre l’audiovisuel et la collection du Muséoparc, où sont exposés les plus beaux objets, des silhouettes animées à grande échelle d’artisans (forgeron, potier, etc.) miment en rétroprojection l’activité associée aux objets présentés juste au-dessous. « Ces figures animées apportent de la vie à tous ces objets du passé », note Clémence Farrell.
Article paru pour la première fois dans Sonovision #20, p. 58-60. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.